Alpha flight l'intégrale 1984-1985 : second tome de la série culte de john byrne

Par Universcomics @Josemaniette

Une des séries les plus dingues et passionnantes des années 80 est assurément Alpha Flight, c'est-à-dire la Division Alpha, publiée à l'époque sur les pages de Strange. Le titre a longtemps été réclamé à cor et à cri par des lecteurs nostalgiques qui rêvaient de voir débarquer un bel omnibus, d'ailleurs disponible en version originale ou même en version italienne, chez Panini Italia. C'est finalement dans la collection des intégrales que nous avons eu droit à cette publication inédite en librairie, signée John Byrne. Nous voici donc arrivés au second volume qui couvre des épisodes de 1984 et 1985. Comme souvent, l'auteur canadien s'attarde sur un ou deux personnages en particulier, avant d'insérer ces vicissitudes particulières à l'intérieur du groupe. Nous retrouvons ainsi Walter Langkowski, alias Sasquatch, un savant capable de se transformer en une bête primordiale à la fourrure orange. Dans un décor hivernal et neigeux, il est aux prises avec le Super Skrull, un extraterrestre disposant de tous les pouvoirs et des caractéristiques physiques des Quatre Fantastiques ensemble. L'occasion d'un affrontement qui fait des étincelles. Walter a également noué une relation sentimentale avec Jeanne Marie Beaubier, alias Aurora, la sœur jumelle de Northstar. Celle-ci possède deux personnalités distinctes qui rendent sa situation assez fragile et délicate; elle peut passer d'une personnalité totalement décomplexée et débridée, pour ne pas dire également entreprenante avec les hommes, à celle d'une jeune femme timorée et marquée par un bigotisme effrayant, d'une timidité presque maladive. Les Alphans vont aussi se retrouver face à Omega Flight, qui est une sorte de formation parallèle au groupe de héros canadiens, faits d'individus qui n'ont pas pu l'intégrer ou qui préfèrent le mal. Il est d'ailleurs remarquable de constater combien Byrne réussit à écrire des individus dysfonctionnels, qui a priori n'ont pas grand chose à faire sur les pages d'un mensuel super-héroïque, comme Puck, le nain capable de bondir partout et qui à première vue n'a pas l'air si impressionnant que ça, ou encore Roger Bochs, alias Box, un type brillant mais cloué dans un fauteuil (puisqu'il n'a plus de jambes) avec tout ce que cela peut induire de frustration; cela dit il possède une armure métallique (Box, donc) avec laquelle il est capable de fusionner, pour intervenir sur le terrain. Ce ne sont que quelques-uns des exemples que nous rencontrons au fil des pages et des épisodes. Omega Flight permet d'écrire une des séquences les plus marquantes et bouleversantes des comics de ces années-là. En effet, au terme du grand combat face à la Division Alpha se produit un drame fondamental, qui va marquer les esprits pendant très longtemps. Byrne n'hésite pas à sacrifier des pions quand l'histoire le nécessite, il ne se contente pas de jouer petit bras; même ceux autour desquels gravite la série sont susceptibles de disparaître.

Le leader de Alpha Flight, c'est James McDonald Hudson. Il a mis au point un costume ultra moderne qui lui permet de défier la gravité, de voler, de lancer des décharges d'énergie, bref d'être un super-héros canadien qui représente fièrement son pays et guide ses compagnons vers des aventures fabuleuses. Seulement voilà, son costume est aussi une source de puissance extrêmement dangereuse, qui en cas de dysfonctionnement ou de dégâts irréversibles pourrait faire l'effet d'une bombe. Sous les yeux de sa compagne Heather, le dénommé Guardian, dont les circuits ont été irrémédiablement endommagés, va littéralement fondre sur place. Le piège tendu par un ennemi du nom de Jerry Jaxon et par la Divison Oméga est mortel. Un drame incroyable, qui se prolonge dans la première moitié silencieuse, sans aucun dialogue donc, de l'épisode suivant, où nous assistons aux conséquences psychologiques de cette mort, lors de l'enterrement. Mais il s'agit en fait d'une séquence onirique, où le rêve de Heather tourne au cauchemar. Les problèmes personnels des membres de la Division Alpha ne sont pas finis, puisque la douce Marrina, créature amphibie qui a déjà eu l'occasion d'échanger de longs baisers langoureux avec le prince Namor, va se transformer en une créature ultra agressive et monstrueuse, alors que la Division Alpha enquête sur ce qui peut bien se produire dans les eaux du lac Ontario, là où Heather a bien failli succomber a des tentacules mortels. Vous pouvez rajouter à tout ceci la menace du Maître du monde qui n'est pas écartée, et qui va mettre la main sur une Marrina totalement défigurée et remodelée, désormais beaucoup plus proche de sa nature extraterrestre originelle que celle de la douce jeune femme qui s'était développée au contact aimant d'une famille terrienne. Byrne mène sa barque tambour battant, et on saute d'une crise à une autre, d'un destin personnel à un autre, avec des héros qui présentent des failles béantes, qui tombent ou vacillent régulièrement. Le dessin est de Byrne également, autrement dit susceptibles de ravir ses fans (rondeur du trait, lisibilité remarquable) comme d'alimenter ses détracteurs (certains diront un manque de personnalité dans les visages, une certaine répétition lassante). Mais la vérité est tout simplement qu'il s'agit là d'un pan de l'histoire de Marvel, une des tentatives les plus audacieuses et surprenantes de présenter des personnages différents, des "outsiders", à partir du schéma déjà éprouvé des X-Men, mais en exacerbant plus encore l'impression qu'ils ne sont pas à la hauteur, que leur groupe flirte avec l'implosion permanente. Sur les pages de Strange, dans mes années de jeunesse, les Alphans étaient devenus mes chouchous, il y a bien une raison à cela, non?