Une lecture courue d’avance

Par Lebouquineur @LBouquineur

Les lectures sont souvent des surprises. S'il s'agit d'un premier roman, l'écrivain nous est complètement inconnu et son univers plus encore, la surprise sera bonne ou mauvaise mais totale c'est une certitude. Il y a aussi les écrivains qu'on aime et suit régulièrement mais dont la production alterne le bon et le moins bon, la surprise sera moindre mais le risque potentiel de déception est là.

Et puis il y a ceux qui écrivent des romans qui ne nous déçoivent jamais, un placement sûr et pépère, bon rendement assuré. Ceux-là on les chérit, on les cajole, on guette leurs nouveautés avec impatience et avidité s'ils sont toujours de ce monde ; par opposition avec les bons vieux auteurs classiques de la littérature mondiale dont on n'a pas encore lu l'intégralité de leurs œuvres, nous réservant des moments choisis avec soin pour nous y plonger.

C'est un plaisir bien à part que de lire un roman dont on sait avec certitude qu'il va nous régaler avant même de l'avoir ouvert. Pour moi en tout cas. Je prends plus de temps qu'à l'ordinaire pour manipuler l'ouvrage, l'examiner sous tous ses angles, comme si j'en retardais l'entame de peur de le terminer trop vite. Puis je me lance, mais là encore avec circonspection, me tançant pour ne pas lire trop rapidement, profiter du style ou du récit, ne pas tenter d'anticiper la suite, laisser à l'auteur le droit de me diriger, de me mener en bateau à son gré, une autorisation que je ne délivre quasiment jamais à un écrivain, sauf dans ce cas bien précis.

J'accepte ma soumission, pire je la revendique. Un plaisir masochiste qui donne tout son poids à ma lecture et explique ma lenteur initiale, attendre le plus longtemps possible pour ouvrir le livre, repousser le plaisir tout en le désirant fermement, cet en même temps si séduisant et excitant. Ah ! qu'elles sont bonnes ces lectures courues d'avance, rares et donc plus chères encore.