Avec un peu d'audace, et le sens des affaires, on peut parvenir à produire des choses inattendues, qui ont le mérite de réjouir pas mal de monde, d'horizons différents. Ce fut le cas par exemple quand Marvel annonça un partenariat avec Tsuburaya Productions. Ultraman, héros créé par Eiji Tsuburaya en 1966, allait donc intégrer l'univers de Spider-Man et consorts, ce qui est une double surprise, car non seulement c'est un personnage qui y est totalement étranger, mais même en terme stylistique, de genre, il s'agit d'une approche fort éloignée. Nous sommes dans ce qu'on appelle le "tokusatsu" et Ultraman est extrêmement populaire au Japon. Pour simplifier, disons que chez nous ce sont plutôt les Super Sentai (c'est à dire les Power Rangers) qui incarnent la catégorie. D'ailleurs, Marvel ne s'y est pas trompée car le scénariste de Rise of Ultraman n'est autre que Kyle Higgins (en collaboration avec Mat Broom), qui a déjà montré l'étendue de son talent chez Boom! avec le titre des Rangers aux multiples couleurs (publié en vf chez Glénat Comics). Ici, le nouvel hôte "humain" s'appelle Shin Hayata. On ne nous le présente pas comme un type dont la vie est une grande réussite, puisqu'il n'est pas parvenu à convaincre la United Science Patrol de le recruter (pour faire court, une version nippone du Shield de Nick Fury, qui gère les affaires courantes, principalement les grosses crises à base de kaiju, ces monstres omniprésents au Japon). C'est Kiki, son amie, qui a atteint cet objectif, pour autant sa présence, son expertise, sont plus ou moins nécessaire. Notamment quand Kiki est impliquée dans une première mission de terrain qui semble être trop délicate pour son inexpérience. Shin donne certes un coup de main, mais il hésite au moment de neutraliser l'étrange forme lumineuse d'origine extraterrestre qui vient de s'échouer sur Terre. Au bout du compte, il entre en contact avec elle, geste imprudent qui va avoir des répercussions formidables sur son existence.
Il faut dire que le pauvre Shin a reçu un bon coup de pression au moment d'appuyer sur la gâchette. Car ce vaisseau alien échoué fait écho à une "incursion" précédente, en 1966 (vous avez saisi la référence, hein?) que l'agence gouvernementale japonaise avait réglé de manière bien expéditive. En fait, il s'agit d'un représentant de la race des "Ultra", des individus dont la sérénité et le contrôle des émotions leur permettent de s'affranchir des invasions de kaiju (qui prospèrent grâce à la peur, la jalousie, les pensées noires) et qui prêtent main forte aux races moins "développées" qui n'ont pas ces facultés, et donc sont sujettes aux assauts de ces monstres redoutables. Pas de chance pour notre planète, une crise d'ampleur nous guette, et il n'existe qu'une façon de s'y opposer concrètement, faire en sorte que le représentant des Ultra et le pauvre Shin unissent leurs forces, au sens propre, en fusionnant. Ultra + Man = Ultraman. Derrière ce scénario basique mais clair, qui prend vraiment son temps pour s'épanouir mais ensuite se révèle intelligent et respectueux du cahier des charges des aventures de ce type, se cache une synthèse clairement réussie entre deux univers presque antithétiques, et pourtant complémentaires. Et où en sommes-nous du côté du style, du dessin? Bonne nouvelle, c'est Francesco Manna qui a hérité de cette série. Je vous mets au défi de trouver une seule planche, voire une seule vignette, où l'artiste italien semble accuser un coup de mou. C'est plastiquement fluide, très élégant, avec une vraie attention aux expressions, au dynamisme, y compris quand les scènes sont assez statiques (dans le premier numéro, beaucoup de dialogues que Manna porte à bout de bras). Vous pouvez agrandir n'importe quelle vignette de n'importe quelle page, vous finirez par apprécier la finesse de son trait, au point qu'on assiste clairement, mois après mois (allez voir son Carnage en ce moment...) à l'avènement d'une des grandes stars de cette décennie encore bien jeune. De quoi donner à cet Ultraman un bon capital sympathie et lui ouvrir les portes et les cœurs d'un lectorat assez varié. De quoi en faire aussi un franc succès?
Et comme une bonne surprise ne vient jamais seule, sachez que Francesco Manna sera un de nos invités de choix au Play Azur Festival de Nice, les 14 et 15 mai prochains. En compagnie de Luca Maresca, Alessandro Cappuccio, Fabiano Ambu, Rosa Puglisi (Vorticerosa), Marco Russo, Benjamin Carret, et d'autres surprises à venir... Une artist alley 100% passion des comics et de la bd, dont on vous reparlera vite. Si vous ne pouvez pas être présent, mais que vous souhaite obtenir une commission de Francesco Manna (ou d'un autre artiste présent) n'hésitez pas à nous contacter en commentaire, ou encore mieux, à l'adresse [email protected]Venez nombreux, moussaillons !
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