Nexus omnibus 1 : la grande science-fiction de baron et rude chez delirium

NEXUS OMNIBUS 1 : LA GRANDE SCIENCE-FICTION DE BARON ET RUDE CHEZ DELIRIUM
 Nexus, une série fascinante, singulière, avec un protagoniste qui l'est tout autant. Les premières pages de ce qui sera une longue saga palpitante qu'aucun initié ne saurait refuser, s'ouvrent sur une interrogation : qui est donc ce justicier en costume, doté d'une visière et de pouvoirs apparemment hors du commun, qui s'immerge dans une sorte de liquide amniotique pour y vivre de terribles cauchemars, avant d'en sortir, animé par l'intention d'aller tuer ceux qui viennent sinistrement de peupler ses songes? Une chose est certaine, Nexus est puissant, incommensurablement, et c'est malgré tout un être humain, avec ses fragilités, son histoire tourmentée. Sa base d'opérations est une espèce de lune artificielle du nom de Ylum, où il s'est entouré d'une vaste communauté de créatures extraterrestres plus ou moins humanoïdes. Son "règne" est sous le signe de la concorde, du respect, pourtant ses actions savent être radicales quand le besoin l'exige. Sa carapace est percée le jour où débarque la belle Sundra Peale, qui parvient peu à peu à faire brèche dans son cœur, et sera la première femme qui aura l'honneur de partager son lit. Ce sera aussi celle qui recueillera ses confidences, prétexte parfait pour Mike Baron, le scénariste, qui a ainsi l'opportunité de dévoiler aux lecteurs les origines de Nexus, qui bien entendu contiennent une bonne dose de pathos. Que ce soit du côté du père (et ici Nexus, c'est à dire en fait Horacio Hellpop, se révèle l'héritier d'un despote soviétique dont la carrière est entachée de bien sinistre façon...) ou de la mère (qui connaît un destin tragique en se perdant dans les dédales infinis d'Ylum), Nexus est un personnage fragile, en quête d'attaches, qui pourraient le définir comme un véritable être humain, un adulte responsable et construit. Quand il s'unit physiquement pour la première fois avec Sundra, Horatio ne perd pas seulement sa virginité, comme il l'avoue lui-même, mais il effectue un premier pas vers l'acte fondamental de naître vraiment à la vie, d'en apprécier la valeur, la substance. Autrement, que reste t-il de cet homme dont la mission inlassable est de rêver aux crimes atroces des plus grands meurtriers de masse de la galaxie, pour ensuite aller les exécuter?  Où est vraiment la justice, quand l'homme (le bourreau?) qui l'apporte ignore jusqu'à l'origine de la pulsion qui dicte ses gestes? Nexus dispose d'un pouvoir qui défie l'entendement, mais justement, un pouvoir qu'il ne peut pas saisir, ne peut pas appréhender, juste exercer. Un cycle infini de cauchemars, de chutes, de régénérations dans ce bain primordial dont il ignore la composition, et qui fait de lui cette entité vénérée par certains comme un dieu ou un empereur romain, sans jamais se départir de la fragilité toute humaine qui le caractérise. 
NEXUS OMNIBUS 1 : LA GRANDE SCIENCE-FICTION DE BARON ET RUDE CHEZ DELIRIUM
Nexus, c'est aussi la grande science-fiction des annés 80, celle qui se permet de rêver les yeux ouverts, à chaque page, sans s'embarrasser des limites étroites de la crédibilité ou des faits matériels. On y croise des despotes dont les ressources en énergie proviennent de millions de corps décapités, dont les têtes sont devenues autant de moteurs, de réservoirs pour alimenter leurs délires de toute puissance. On y rencontre des êtres singuliers, aussi belliqueux qu'attachants, comme un certain Judah Maccabee, qui a pris Nexus comme modèle de vie, et dont le père est -par le plus grand des hasards - un des "lieutenants fidèles du héros. On saute d'un monde aquatique, à une visite sur Terre, dans les geôles de la planète, aux bars les plus miteux de l'univers. On se retrouve piégé dans un "monde bol", dont l'unique accès est une sorte de singularité de l'espace temps. On croise le chemin d'une ambassadrice/espionne, qui a des plans bien précis pour séduire Nexus et découvrir la vérité sur ses dons. C'est un feu d'artifice, et chaque salve resplendit et illumine la suivante. En fait, c'est en 1979 que le scénariste Mike Baron rencontre le dessinateur Steve Rude, pour la première fois. Baron envisage déjà Nexus, et il écrit et dessine dans le même temps, jusqu'à ce qu'un ami lui présente "quelqu'un qui dessine tout comme toi". Dès le premier regard sur le portfolio de Rude, c'est l'évidence qui s'impose, la partie graphique vient de trouver son exécuteur. Au départ le titre est publié par Capitol Comics, sous la forme d'un comic book en noir et blanc et grand format, qui apparaît d'emblée comme bien structuré, ambitieux, extrêmement ramifié. Le troisième numéro comprend même un disque flexible avec une bande-son créée par Baron lui-même, des bruitages, des dialogues. En mai 1983 Capitol opte finalement pour la couleur, avec Les Dorscheid, et Nexus entame son ascension vers le titre de bande dessinée culte de la décennie. On a rarement manié avec autant d'équilibre et de justesse le grand drame cosmique, la science-fiction la plus traditionnelle, l'humour (Nexus est truffé de scènes absurdes, désopilantes, subtilement décalées...). Steve Rude place son trait élégant, épuré, au service de planches qui évitent les artifices comme la peste, et peuvent apparaître délicieusement rétro, quelque part entre Jim Steranko et Alex Raymond. Son storytelling, la pureté de ses personnages, sont au dessin ce que pourrait être à la conversation orale  une discussion cultivée, truffée de termes charmants et volontairement datés. L'érudition au service du beau. Aucune vignette qui dépareille, aucune tentation de prendre des raccourcis ou de hâter le produit fini, chaque épisode est fouillé, inspiré, et contient matière à étourdir le lecteur, sans avoir l'air de s'y appliquer pour autant. Vous comprendrez alors que l'arrivée de cette intégrale au format omnibus, chez Delirium, constitue pour nous un de ces événements majeurs que vous finissez par accueillir sur vos étagères, en grande pompe. Ce ne sont pas les bons papiers qui manquent sur internet, ni les blogs/sites plus ou moins spécialisés; pour autant je vous mets au défi de trouver un critique ou simplement un lecteur attentif de Nexus, qui ne soit pas sorti conquis à jamais de l'univers imaginé par Baron et Rude. Plus qu'une lecture, plus qu'une expérience, Nexus pourrait bien devenir pour vous -comme ça l'est pour nous- un véritable acte d'amour. NEXUS OMNIBUS 1 : LA GRANDE SCIENCE-FICTION DE BARON ET RUDE CHEZ DELIRIUM
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