The Good girls (Sonia Faleiro)

The Good girls (Sonia Faleiro)

Auteur : Sonia Faleiro

Éditions : Marchialy

Paru le : 23 Mars 2022

396 pages

Thème : Policier

Disponible sur le site de l'éditeur
et sur Amazon

J'ai aimé :)

 Résumé 

  « Un soir de mai 2014, dans un petit village du nord de l’Inde, deux adolescentes, amies et cousines, sortent faire un tour dans les champs à proximité de leur maison. Elles ne reviendront jamais. Leurs corps sont retrouvés pendus à l’aube dans le verger derrière chez elles. Que s’est-il réellement passé durant ces quelques heures ? La vérité semble moins importante pour leur famille et les habitants de ce village que la rumeur qui enfle déjà. Il faut sauver l’honneur, à tout prix.

À partir de ce fait divers glaçant, Sonia Faleiro raconte les mécanismes d’une société ultra-hiérarchisée où la femme n’est jamais maîtresse de son destin, sauf peut-être dans la mort. Grâce à une enquête minutieuse, elle parvient à rétablir la vérité occultée et à écouter ce que ces deux jeunes femmes ont à nous dire. »

 Ma chronique 

 

Je remercie la maison d'édition Marchialy ainsi que Babelio pour cette découverte.     Une lecture qui n'a pas été simple du tout. J'aime les thrillers, les policiers d'une manière générale, celui-ci ne déroge pas à la règle ce qui m'a perturbé je dirais c'est qu'il s'agit d'une histoire vraie. Bien entendu les prénoms, les identités ont été modifié, mais la vérité est écrite et elle fait mal dans tous les sens du terme. Deux jeunes filles de 16 et 14 ans sont retrouvées pendues à un arbre. Deux familles détruites par la perte de leur fille, mais c'est bien plus que cela. Deux clans qui se déchirent, des hommes et des femmes qui vont se battre pour découvrir un semblant de vérité que l'on voudra bien leur donner. Des personnes qui font leur loi, qui ne veulent pas d'aide policière, qui ne cherchent qu'à protéger ce qu'il reste de leur famille, de leur vie. Presque 400 pages qui démarrent sur la vie simple de deux jeunes filles dans un pays où la femme n'est pas considérée comme un être humain (j'y vais fort, mais c'est le sentiment que j'ai en fin de lecture) et qui se terminent sur un gout amer en bouche après toutes les explications de l'auteure qui connait très bien ce pays, y ayant vécu durant 25 ans et a effectué de multiples recherches pour les crimes qui sont indiqués dans ce récit.
    J'ai mis du temps à le terminer, certains faits sont horribles. Pas de descriptions lourdes sur les actes sexuels forcé heureusement, mais les chiffres, les attitudes décrites, la manière de penser des hommes est tout simplement ignobles. La France est un pays développé (trop à mon gout pour certaines choses et pas assez à d'autres), mais nous avons une liberté de mouvement, de choisir le métier que nous désirons en tant que femme, d'avoir ou non des enfants, un mari, bref nous avons le choix de décider de notre vie d'une manière générale. En Inde ? la femme a une condition de vie qui ne dépasse pas le seuil de la maison de son mari, qui a bien entendu été choisi par ses parents et ce depuis des générations. Nul ne retrouve vraiment à redire. L'éducation scolaire ? Jusqu'au collège inclus, c'est déjà bien, au-delà... pourquoi une femme voudrait s'instruire plus, vu qu'elle va s'occuper des enfants de son mari, de la maison ? Je n'ai aucune haine en écrivant cette chronique vis-à-vis de ces hommes qui vivent encore ainsi. Ils ont eu cette habitude et pour le moment personne ne pense à changer cela. Une évolution du système qui se fera probablement un jour et je le souhaite de tout cœur dans une paix absolue. En attendant, les crimes sont perpétrés par de si nombreuses personnes qu'il est difficile de démêler le vrai du faux. Comment imaginer pour un pays comme le notre qui a aussi ses problèmes, qu'ailleurs la misère est si terrible que des êtres humains sont encore esclaves d'autres ? Qu'un viol n'est qu'un acte banal tout juste une tape sur la main et on voit plus tard ? Qu'une femme qui a subi n'importe quel type de violence se retrouve a être menacée elle et sa famille de mourir si elle continue à vouloir passer devant un juge ?
  C'est une histoire qui fait réfléchir et donne mal à la tête, c'est garanti. L'enquête sur la mort de ces deux jeunes filles en devient presque une comédie musicale, un crime ou un suicide ? Toujours est-il qu'il n'y a pas grand-chose à faire, elles sont mortes et le pays tout entier qui en parle va vite oublier, comme l'un des plus grands crimes qui avait déjà élu domicile quelques temps plus tôt. Deux pendus, deux êtres encore dans l'adolescence a qui ont a tout dérobé, jusqu'à la moindre dignité. J'ai été horrifié de certains passages, même mortes elles ne sont pas traitées mieux qu'un cochon qui part à l'abattoir. Les moyens sont bien différents, nous le savons, nous le sentons, mais l'auteure nous met le nez dans une réalité qui peut à la fois être dérangeante et rempli d'apprentissage pour tous.  Padma et Lalli, nous les suivons dans leur vie, leur façon de vivre avec leur famille, leurs "amies", le travail ou plutôt les corvées qu'elles doivent faire tous les jours pour aider leurs parents. L'évolution pour ces familles qui n'ont que peu de moyens est vraiment à l'extrême, pas d'eau courante, pas d'électricité, encore moins de toilettes et pourtant ils ont tous (je parle des hommes essentiellement) un téléphone portable qu'ils peuvent, pour quelques roupies, le charger dans un magasin. Et puis nous les cherchons et les trouvons pendues. Qui a fait cela ? Qui les a laissé ainsi ? Et si la vérité était encore plus effroyable que ce que nous pouvions imaginer ?
    L'auteure nous emmène dans un monde dont nous n'avions que des soupçons, impossible d'imaginer ce pire et pourtant il existe encore à notre époque et cela ne change guère. L'avenir des femmes n'existe qua dans la maison, le fait d'enfanter et de n'exister que si le mari est d'accord. Une jeune femme qui veut faire des études ? C'est possible, mais à quel prix ? Nous en avons des exemples qui font froid dans le dos. Sonia Faleiro ne reste pas l'enquêtrice d'un double crime affreux, elle montre et pointe du doigt les travers de sa société. C'est douloureux de penser que c'est la vérité et pourtant tout est bien là, juste des énoncés, des faits. Il n'y a pas le moindre jugement, c'est le lecteur qui le fait avec tout ce qui est décrit. La police qui boit, l'argent qui passe de main en main, les jugements des uns et des autres sur ces femmes. Viol collectif ? Enlèvement ? Torture ? Quand on lit la description d'une autopsie on se demande si nous ne sommes pas dans une comédie (je me répète, désolée, mais c'est ainsi). Quand je vois toutes les dispositions obligatoires en matière d’hygiène et que là c'est à la limite de la porcherie... La mort de ces deux jeunes filles entraîne la population Indienne dans de nombreuses spéculations. Jusqu'à ce que la vérité soit plus tragique encore.  
Les us et coutumes de chaque pays sont ce qu'ils sont, je n'ai rien à redire dessus, seul la méchanceté, les crimes non punis, et l’horreur de ce que les femmes subissent ne devraient pas exister. Chaque communauté à ses règles qu'il faut respecter, les femmes ont un seul choix, celui de suivre celui de leur père ou mari et de s'y plier, autrement c'est la honte qui est jeté sur toute la famille et la communauté peut les rejeter, et aller même plus loin encore. Pour sauver, pour laver un honneur il n'y a pas beaucoup de solution, faire disparaitre le problème est l'unique. Ils font leur loi et celle de la police ou du CBI qui vient enquêter ne sert quasiment à rien. Ils ne veulent entendre que ce qu'ils croient dur comme fer. Le déshonneur peut être établi de plusieurs manières, impossible d'y échapper. Les solutions sont toutes punissables par la loi, mais est-ce vraiment le cas ? L'auteure nous prouve par A+B que non, il n'y a que des mensonges, des envies de bien faire pour être bien vu par la communauté qui l'héberge. Le travail est monstrueux pour l'auteur, encore plus que les agents d'enquête qui ont mis des années à comprendre la vérité si cruelle. L'enquête est complexe car les personnages nombreux et manipulables nous entrainent dans la plus grande noirceur existante : celle de l'être humain.
    Le quotidien est bien différent du notre. J'admets avoir eu du mal à le terminer, je l'ai refermé à plusieurs reprises tant certains faits m'ont dégouté. Comment imaginez en plein bus un tel crime ? Car oui l'auteure nous offre les moyens de comprendre cette société sans pour autant y adhérer, loin de là. Les gens font leur loi, les hommes passent leur envie sans avoir de crainte d'être attrapés ou même punis, les traditions sont si fortes qu'elles passent par-dessus les enquêteurs qui de toute façon n'ont pas la confiance du peuple. Tout est corrompu d'une manière ou d'une autre, les menaces tombent, les crimes ne cessent, le déshonneur se doit d'être ôté et la mort semble la seule solution. Je ne m'attendais pas à ce que l'Inde soit ainsi, si loin dans le temps, si solidement ancrée dans un monde où seul l'homme à des droits. Nous comprenons aussi que par endroit les mentalités changent doucement, certaines femmes arrivent à s'en sortir avec le soutien de leur famille et c'est aussi un point qu'il faut relever. Je ne m'attendais pas à ce type de livre et s'il m'a fait mal pour tout ce qu'il y a à l'intérieur, il m'a aussi permis de mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons. La France n'est pas si mal quand on regarde ailleurs. J'ai cru comprendre que cette maison d'éditions publie quelques livres de ce type, je regarderais de plus près.     Pour en revenir au récit, nous ne restons pas sur Padma et Lalli, nous allons dans d'autres endroits pour avoir une vue d'ensemble qui rejoint la communauté dans laquelle elles vivaient. Il n'y a pas de véritable secret de leur mort, les détails reviennent petit à petit pour nous laisser des traces de ce qu'il s'est passé réellement. Cette honte qui ne cesse de revenir à la bouche de certains, ces fameux viols collectifs sont-ils bien réels ? Et puis elles n'ont pas d'autres choix que de suivre le destin tracé par leurs pères, pas vrai ? Et si elles avaient décidé de voir autrement ? De faire quelque chose pour elle ? Les petits secrets entre elles ne plaisaient à personne, il suffit d'écouter chacun une version de l'histoire pour comprendre que l'auteure a dû travailler d'arrache-pied pour réussir à avoir le fin mot de l'histoire. De plus apprendre qu'elle a vécu là-bas, fait ses études et a réussi à s'en sortir malgré la peur et ce qu'il pouvait y avoir dans son sac pour se protéger est une force supplémentaire.     En conclusion, je ne vais pas m'éterniser sur le sujet. La mort de ces deux jeunes filles a été un choc pour l'Inde tout entier. Sonia Faleiro a fait un travail immense pour déterminer ce qui s'est réellement produit et montre ce qui se passe vraiment sans pour autant tomber dans le glauque. Les mots sont forts, l'imagination fait le reste pour nous laisser un arrière-gout amer d'envie de secouer tout ce petit monde et leur faire comprendre que oui les traditions c'est admirable, mais elles doivent savoir s'arrêter là où la liberté de l'être humain est arrêté à cause de sa condition de femme. C'est un livre qui ne mâche pas ses mots sur un monde que je ne connaissais pas. La vérité est bien plus horrible que tout ce que j'ai pu écrire !    

 Extrait choisi :  

« La leçon tirée par de nombreux citoyens indiens, au lendemain du drame de Delhi, était que les manifestations avaient compté. Leurs protestations avaient eu un impact sur la loi. Et les villageois de Katra l'avaient bien compris, plus terrible que l'agression de Delhi : leurs enfants n'étaient pas mortes dans une grande ville lointaine, où elles avaient fait fi des limites imposées par la société et affirmé leur indépendance. Elles n'étaient pas mortes en allant voir un film anglais en compagnie d'un garçon et en prenant les transports en commun à la nuit tombée. Elles n'étaient pas mortes en faisant quelque chose que des filles comme elles n'auraient jamais dû faire. Elles étaient mortes là où elles étaient nées. Elles étaient mortes en allant faire pipi dans un champ.
Mais Dlhi, théâtre de cette affaire de viol si médiatisé, où vivaient les politiciens les plus puissants du pays, et où les grands groupes de médias avaient de beaux bureaux climatisés, se trouvaient à des centaines de kilomètres de chez eux. Les habitants de Katra n'avaient aucun moyen de s'y rendre.
Et si c'était aux gens de Delhi de venir jusqu'à eux ?
»

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