Dans la région de Poitiers. Tony et Andrée ont leurs habitudes à l’hôtel des Voyageurs depuis un an, c’est là qu’ils assouvissent leur relation adultère avec la complicité du frère de Tony, propriétaire de l’hôtel. Et c’est ainsi que débute ce roman, les deux amants nus, se reposent… mais cette scène date de plusieurs mois déjà car aujourd’hui Tony, inculpé, répond aux questions d’un juge d’instruction suite à un crime.
Georges Simenon fait très fort avec ce roman où il inverse la proposition du polar classique. Habituellement nous avons un crime et le récit nous incite à en découvrir l’auteur, ici c’est le contraire, nous avons un inculpé mais nous ne savons pas de quoi et il faudra attendre très longtemps avant de savoir qui a été tué ! L’époux d’Andrée ? La femme de Tony ? Et poussons l’interrogation plus loin, qui a réellement tué qui ? Tony ? Andrée ? Les deux chacun de leur côté ?
Le roman alterne et mêle, l’interrogatoire et les scènes du passé entre les deux amants ou dans leur vie quotidienne. Des couples tranquilles dans une ville tranquille, lui répare des machines agricoles et en vend, marié avec une petite fille ; elle, tient une épicerie avec son mari sous le regard soupçonneux de la belle-doche qui a toujours mal vu ce mariage. Tony et Andrée se connaissent depuis la petite enfance, amis sans plus jusqu’à cette OPA inopinée d’Andrée sur Tony il y a un an.
Chez Simenon la psychologie est toujours à l’honneur et le portrait de Tony désespère le lecteur, devant les questions du juge on le voit fatigué, résigné, indifférent à son propre sort car en fait il ne comprend rien à ce qui s’est passé et plus le récit avance, moins il comprend réellement quelle était sa relation avec Andrée, les deux n’y mettant pas le même contenu, ce qui aboutira au drame.
L’écrivain soigne aussi ses décors, les familles, les classes sociales et les inimitiés, Tony et son frère d’origine italienne ce qui plus tard ne jouera pas en la faveur de l’inculpé. Au passage, on notera l’audace de certaines descriptions sexuelles pour l’époque et surtout pour l’écrivain.
C’est du Simenon donc c’est très bon comme toujours.