Dès les premières lignes le lecteur est pris de court par la forme narrative adoptée par Philip Roth, des dialogues, uniquement des dialogues. Nous entrons dans le roman comme si, nous asseyant à une table dans un café, nous surprenions la conversation entre un couple installé derrière nous, nous ne savons rien d'eux mais ils discutent de choses intimes.
Au fur et à mesure de notre avancée dans le texte nous constaterons qu'il se divise en quatorze scènes ; que l'homme se prénomme Philip, romancier américain installé temporairement à Londres, et qu'à chaque fois il discute avec des femmes diverses : sa maîtresse anglaise, des immigrées tchèques, une Polonaise, une étudiante américaine, une amie qui soigne un cancer, son épouse. Certaines ne passent que lors d'une scène, d'autres reviennent comme sa maîtresse avec laquelle nous constatons que les années défilent.
Ces discussions renvoient le lecteur habitué à Roth à plusieurs de ses romans, comme par exemple quand Philip interroge sa maîtresse anglaise " Pourquoi dans ce pays déteste-t-on autant Israël ? ", la judéité étant l'un des thèmes abordés par le bouquin mais plus encore les liens entre les hommes et les femmes et leur façon d'aborder l'adultère, avant qu'il n'en vienne à l'une de ses grandes exaspérations quand sa femme lit à son insu son carnet de notes (c'est-à-dire le roman que nous achevons) et pique une crise de jalousie, confondant la fiction imaginée ( ?) par l'auteur et la réalité. Ce fameux cas de conscience soulevé par de nombreux récits trop proches de la vérité vécue.
En lisant le roman j'étais étonné que le titre soit écrit au singulier mais c'est parce qu'il faut l'entendre au sens général ou universel de la tromperie, tromperie en cas d'adultère, tromperie entre la fiction du livre et la réalité de la vie de l'auteur.
Tromperie ne fait pas partie des " grands romans " de l'auteur et ne sera pas conseillé à un lecteur qui souhaite découvrir l'écrivain, mais il est largement assez bon pour satisfaire les autres.
" Une des choses injustes au sujet de l'adultère, quand on compare l'amant à l'époux, c'est qu'on ne voit jamais l'amant dans aucune de ces affreuses et ennuyeuses situations, par exemple récriminant à propos des légumes, ou faisant brûler les toasts, ou oubliant de commander quelque chose, ou encore essayant d'exploiter quelqu'un ou se laissant exploiter. Tous ces trucs dont, je crois, les gens prennent grand soin de protéger leurs liaisons. Je généralise à partir d'une expérience minuscule, minuscule, quasiment nulle. Mais je crois que c'est ce qu'ils font. Car sinon, ce serait tellement exténuant. A moins d'aimer mener de pair deux jeux de conflits familiaux, et de pouvoir passer de l'un à l'autre. "
Traduction française par Maurice Rambaud