Bris de rêve (Aurélie Beutin)

 

Bris de rêve (Aurélie Beutin)

Auteur : Aurélie Beutin

Éditions : Alsacienne Indépendante

Paru le : 31 janvier 2022

198 pages

Thème : Fantastique

disponible sur le site de l'éditeur

et sur Amazon

J'ai aimé :) 

 Résumé 

  « Émilie et Gregory, accompagnés de leur nouveau-né Sarah, emménagent dans la maison de leurs rêves. Passé les premiers bouleversements liés à ces changements successifs dans leur vie, ils devraient voir se profiler un avenir radieux.

Seulement, des impressions étranges envahissent peu à peu le quotidien de la jeune mère. Face à des événements improbables, la frontière entre réalité et cauchemar s’amenuise.

Quels sombres secrets hantent les murs de sa demeure ?

Restant avant tout un récit fantastique, ce roman aborde avec doigté les sujets sensibles que sont la dépression post-partum et le deuil périnatal.»

 

 Ma chronique 

Merci à Babelio et la maison d'édition Alsacienne Indépendante pour cette nouvelle lecture.

Je suis cette maison d'éditions depuis quelque temps déjà et j'ai trouvé de très bonnes lectures. Ici nous faisons la connaissance de Émilie et Grégory qui cherche depuis des mois une maison bien à eux. Alors qu'elle est enceinte de huit mois, il lui fait la surprise d'avoir trouvé leur cocon. Une vente rapide dans un petit village de Bretagne (et il ne fait pas que pleuvoir non mais !). Entre le déménagement et l'arrivée du bébé, le couple a fort à faire, surtout que Emilie ne peut pas les aider. Gregory s'occupe de tout afin que sa femme et leur petite fille Sarah puisse rentrer un minimum dans leur maison dès la sortie de la maternité. Dès le départ nous savons qu'il s'agit de leur premier enfant et bien que l'instinct maternel peut arriver du jour au lendemain, certaines personnes ne l'ont pas, jamais ou tardivement. Et puis il y a l'angoisse. Celle de ne pas être à la hauteur même si on aime notre enfant. L'angoisse de ne pas savoir quoi faire, de ne pas comprendre ses besoins en temps réel, ou encore l'angoisse de le perdre, parce que oui, les médecins sont bien gentils de nous donner des conseils, mais la mort subite du nourrisson existe et cette peur de ne pas voir/entendre se réveiller son petit bout est bien là. Ajoutez à cela le manque de sommeil, car le rythme n'est plus le même, vous ne ressemblez plus à rien !

  En tant que maman, je me suis reconnue au début du livre. Nous venions de faire construire la maison, donc le déménagement n'était pas pour moi (interdiction de porter le moindre carton, grrr) et nous avons l'aide de quelques amis et famille (enfin celle de mon mari, car la mienne n'était plus. Alors oui je me suis vraiment revue dans les pieds d’Émilie, les parents décédés, un bébé le tout premier ne sachant pas comment aborder tout cela. Les visites impromptues, les amis qui défilent et qui n'en ont pas s'extasiant quand il faisait des bulles, sauf que toi tu est fatiguée de ne pas avoir un peu de temps pour toi. Et le "on ne ressemble à rien" prend toute son ampleur. Cela peut aller loin le manque de sommeil. Je n'ai pas été jusqu'aux aléas  de ce couple, même si le notre n'existe plus, j'aime mon fils et je recommencerais juste pour l'avoir. Le récit nous entraine dans une vérité qui montre plusieurs possibilités et plusieurs visions. Personne ne peut être à la place d'une mère, encore moins quand l'une d'entre elles à perdu son enfant, qu'il aie 3 jours ou 6 ans. Les réflexions ne sont pas toutes bonnes à dire et savoir écouter reste le vrai problème. Se renfermer est parfois moins douloureux que de mettre des mots sur le mal-être qui nous entoure.     Émilie n'a pas ce souci de perte, mais elle y sera confrontée d'une manière ou d'une autre. Les maisons déjà habitée auparavant n'ont pas toutes des vies idéales et des résidus du passé peuvent s'y incruster. Ce qui aurait dû être une fête, un bonheur sans nom devient malsain, sournois. La jeune maman cherche à comprendre ce qui se passe dans cette maison où elle est depuis la maternité avec sa petite Sarah depuis, sans avoir repris le travail. Gregory ne semble pas comprendre ce qui lui arrive et les mots vont blesser l'un comme l'autre. Restants sur leur position, aucun des deux ne voient ce que subit l'autre. C'est ce qui fait que parfois cela casse et parfois il y a le lien qui est plus fort qui va leur faire ouvrir les yeux. C'est une réalité que nous propose l'auteure qui ne peut pas être mise de côté. Un bébé, oui c'est génial, mais il faut aussi penser aux conséquences. Et la peur dans tout cela reste à chaque instant. Nous avons tous fait notre apprentissage et ne voulons pas que notre petit bout se fasse mal. Cette peur constante et cette envie de les écouter dormir pour être sure ne s'efface pas en un instant. L'ayant vécu, je peux vous assurer que les mots de l'auteure sont juste empreint de douceur. Nous ressentons les liens forts entre la mère et son enfant, où qu'ils soient et quoi qu'ils fassent. J'ai beaucoup aimé la façon dont Aurélie aborde le sujet, avec délicatesse. Le livre est de toute manière fait pour cela, pas de violence en soi, juste de la douceur.
    En parlant du livre, il est doux, les pages je dirais rugueuse dans le bon sens. Chaque chapitre débute avec son numéro bien entendu, mais juste sur une page et entouré d'un élément qui prend tout son sens à la lecture des paragraphes suivants. J'aime beaucoup cette présentation, par contre le récit est court. Il y a bien 30 pages qui ne sont pas l'histoire en elle-même. (les pages uniquement notées chapitre et ce qu'il y a avant et après). C'est un peu là que cela coince, car je dois admettre que je suis restée sur ma faim. Entre la fin du chapitre 19 et l'épilogue, des années ont passé et il m'a manqué des explications au sujet de Gregory, par exemple, comment réagit-il face à ce qu'il voit ? Ou encore comment cette présence qui semblait si malfaisante a pu devenir une alliée précieuse ? Cette fin m'a laissé un gout d'inachevé sur ce côté fantastique avec plus de questions que de réponses.     Côté personnages, nous suivons essentiellement Émilie qui vient d'accoucher et qui va vivre des jours et des mois compliqués. Trouver son équilibre reste difficile et Gregory tente de l'aider comme il peut. Ce dernier a malgré tout plus de travail qu'avant, car il n'y a plus qu'un seul salaire qui rentre pour le moment. Leur intimité est compromise et pourtant il essaye de trouver une solution pour se retrouver tous les deux. Lorsque les événements chamboulent encore leur quotidien, par le biais de Célia, la vie qui était déjà dans un équilibre précaire s'étiole de plus en plus. Les disputes sont de plus en plus fréquentes et cette peur panique de voir son bébé disparaitre entre les murs de la maison étouffe la jeune maman. Je n'ai rien à redire sur les personnages, nous ressentons ce qu'ils ressentent, nous les comprenons tous autant qu'ils sont, les voisins, les habitants du village, ceux qui ont connus les précédents propriétaires. Ce n'est pas parce que nous les comprenons que nous allons dire que c'est bien ce qu'ils font, il y aura toujours des gens qui auront quelque chose à dire, parce qu'ils s'ennuient dans sa propre vie. Aller de l'avant n'est pas simple, la douleur est forte et pour qu'elle le soit moins, il n'y a pas de solution miracle. Seul le temps peut en atténuer les bords, mais l'oubli est pire que tout.     La psychologie de chacun est vraiment bien travaillée, tout comme ce qui se passe autour d'eux. Toutes les étapes sont là, l'excitation d'avoir un enfant, la peur de ne pas savoir comment faire, la joie de créer une famille. Et puis il y a le revers de la médaille lorsque le bonheur se transforme en cauchemar. L'auteure nous montre les deux côtés et comment deux femmes peuvent se comprendre sans avoir subit la même chose. Les événements sont progressifs et le côté fantastique apparait en douceur. L'appel au secours qui se fait par le biais de certains protagonistes qui peuvent apparaître comme des charlatans pour certains d'entre eux et inversement. Les gens ne se rendent pas compte du mal qu'ils peuvent faire, parce qu'ils pensent que c'est bien. Il n'y a pas forcément de jugement dans le texte, mais en tant que lecteur nous le faisons à un moment ou un autre. Nul n'est parfait pour autant juger les actes est dans notre nature. La part de fantastique est habilement mené, car au final est-ce que tout ne serait pas uniquement lié à l'esprit et à ce qui s'est produit auparavant, à moins que les résidus sont toujours bien présents et donc, nous en sommes là, avec la peur au ventre d'imaginer le pire.     En conclusion, un livre qui saura parler à bon nombre de lectrices (j'en suis) et si cela peut aider les futures mamans, pourquoi pas ! Il n'y a que de la bonté entre ses pages. Je regrette juste la longueur et cette fin qui reste avec des questions. C'est une histoire simple qui est plus que réaliste au vu de ce qui est inscrit sur le papier. Les émotions sont prenantes et nous ne pouvons que ressentir le questionnement de cette mère. La dépression suite à la naissance de son enfant, ou le deuil n'est pas aisé et l'auteur se débrouille très bien pour le mettre en forme. La plume est aussi douce que la couverture, je n'hésiterais pas à lire un autre récit de cette auteure.


 Extrait choisi :  

« Longues journées d'enfermement qui se sont révélées être un enfer. Impossible de mettre le nez dehors sans finir trempé. Pire, la grisaille a assombri l'ambiance de la maison. Dans de telles conditions, une déprime tenace s'est accrochée à Émilie. Les sourires de Sarah n'ont pas suffi à égayer le moral de sa mère. L'adage dit pourtant qu'en Bretagne, il fait beau plusieurs fois par jouir. Mais les nuages noirs ont pesé sur la région, et sur les humeurs.
De derrière sa fenêtre, Émilie a guetté le rayon de soleil ou l'arc-en-ciel, en vain. Maussade, elle a vu les heures s'égrener avec lenteur. Contrainte par la météo, assaillie par un ennui inaccoutumé, Émilie a étouffé à l'intérieur de chez elle. Elle s'est sentie comme hors contexte. En proie aux ruminations, elle s'est convaincue de sa propre incapacité à rendre son foyer hospitalier. U étrange écho résonnait entre les meubles qu'elle a pourtant soigneusement choisis. Cette impression n'a disparu qu'en la présence de Gregory.
Les premières vocalises de Sarah, qu’Émilie attendait avec impatience, n'ont pas suffi à animer l'inertie immuable de la maison.
»

Bris de rêve (Aurélie Beutin)


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