Les femmes du North End, Katherena Vermette, traduit de l’anglais (Canada) par Hélène Fournier, Albin Michel, collection Terres d’Amérique, 2022, 431 pages.
« Sa mère n’était plus une personne, elle était une histoire. »
Stella est réveillée en pleine nuit par son bébé, et elle assiste alors par la fenêtre de sa chambre, médusée, choquée, à une violente agression … C’est le point de départ de ce roman.
Dix voix retracent les évènements jusqu’à cette nuit funeste, chacune de son point de vue, de celle de la victime à celle du bourreau, en passant par les voix des tantes, mères, cousines, sœurs. Une seule voix masculine, celle d’un jeune policier métis. La construction est très habile, on avance progressivement dans la compréhension de la situation. On croit savoir ce qui s’est passé, mais on ne sait rien… Toutes ces femmes ont un lien entre elles, lien d’amitié, lien familial, lien affectif, et puis le pilier, Kookom, celle qui rassemble, qui pardonne, qui transmet, celle qu’on aimerait avoir pour grand-mère. Toutes ces femmes autochtones ont subi la violence de la vie, des hommes, des autres femmes.
Ce roman évoque sans concession la misère, la dépendance à l’alcool, à la drogue, la détresse des unes et des autres, mais malgré la violence, la dureté des situations, ce roman est lumineux, et il dégage une chaleur incroyable. Et pourtant que d’épreuves, que de sacs de nœuds, que de tragédies, de drames silencieux et mal cicatrisés… de l’indicible, des paroles étouffées, des culpabilités mal assumées…
C’est bien la chaleur des relations entre toutes ces femmes, la solidarité, l’entraide, l’amour qui ne se dit jamais mais qui transpire par tous les pores des corps et des cœurs brisés, qui font de ce roman un petit chef d’œuvre d’humanité.
Les personnages sont tous incarnés, ils sont tous d’une belle profondeur, ce ne sont pas des êtres de papier mais bien des êtres de chair et de sang. Leurs liens sont inextricables, sont puissants et on soupire d’aise devant tant d’empathie et de compréhension.
Les phrases de l’auteure, ce sont les chaudes braises au bout du tunnel, c’est l’espoir au sein d’un quartier défavorisé, ce n’est surtout pas le noir pour le noir, c’est le noir auréolé de lumière.
Merci aux éditions Albin Michel pour ce beau cadeau.