Le sauveur de Notre-Dame

Le sauveur de Notre-Dame

Viollet-Le-Duc, l’homme qui ressuscita Notre-Dame (Salva Rubio – Eduardo Ocaña – Editions Delcourt)

Le 15 avril 2019 est un jour noir pour Notre-Dame de Paris. Ce jour-là, des milliers de Parisiens et des millions de téléspectateurs assistent, médusés, au terrible incendie d’un des édifices les plus célèbres au monde. Nombreux sont ceux qui croient alors que la cathédrale millénaire est sur le point de disparaître à tout jamais, particulièrement au moment où sa flèche s’effondre dans les flammes. Mais grâce aux efforts des pompiers, la vieille dame finit par être sauvée de justesse. Les dégâts sont importants, mais le bâtiment résiste, comme il l’a fait à plusieurs reprises au cours des siècles. On ne s’en souvient pas forcément mais durant la première moitié du dix-neuvième siècle, on a sérieusement envisagé de détruire Notre-Dame. La cathédrale, qui avait subi les assauts des révolutionnaires quelques dizaines d’années plus tôt, n’était plus en très bon état et les architectes de l’époque étaient peu enthousiastes à l’idée de la restaurer. Beaucoup d’entre eux méprisaient l’architecture gothique, qu’ils considéraient comme un art de « barbares » moyenâgeux. Finalement, ce sont quelques hommes déterminés qui vont permettre un retour en grâce de Notre-Dame. Victor Hugo, bien sûr, qui a consacré l’un de ses plus célèbres romans à la cathédrale parisienne, mais aussi Prosper Mérimée, qui en plus d’être écrivain est alors inspecteur général des monuments historiques, une fonction dans laquelle il va se battre pour sauver le style gothique en France. C’est lui qui va dénicher la perle rare capable de redorer le blason de Notre-Dame de Paris. Cet homme, c’est Eugène Viollet-Le-Duc. Il n’a aucune expérience, il n’a pas de diplôme d’architecte et il est en froid avec l’Académie des Beaux-Arts, dont il déteste le conservatisme. Mais c’est un véritable passionné du gothique et de l’architecture médiévale, qu’il connaît mieux que personne. De Vézelay à Carcassonne en passant par Narbonne, Dieppe ou Beaune, il arpente la France pour sauver les églises gothiques en ruine. Lorsque Mérimée lui demande de restaurer Notre-Dame, il hésite face à l’ampleur de la tâche. Mais il accepte finalement de se lancer dans cette aventure insensée, qui va l’occuper pendant près de vingt ans et pour laquelle il va sacrifier sa vie de famille. Avec l’aide précieuse de Jean-Baptiste Lassus, Viollet-Le-Duc va faire des miracles: malgré les obstacles techniques et financiers, il redonne toute sa splendeur à Notre-Dame. Au passage, il se permet même de la réinventer, puisque la fameuse flèche gothique qui a brûlé le 15 avril 2019, c’est lui qui l’avait ajoutée, en s’appuyant sur les savoir-faire traditionnels du Moyen Age.

Le sauveur de Notre-Dame

Cette biographie consacrée à Viollet-Le-Duc est le premier tome d’une nouvelle collection baptisée « Les bâtisseurs », dont l’objectif est de mettre à l’honneur les architectes et les ingénieurs qui ont façonné notre patrimoine. A priori, on se dit ce n’est pas forcément un sujet facile à traiter en bande dessinée. Et en voyant la couverture de cette BD, on se dit qu’on est dans le domaine de la bande dessinée historique très classique. Mais il ne faut pas se fier aux apparences, car les auteurs espagnols Salva Rubio et Eduardo Ocaña parviennent à insuffler beaucoup de vie à leurs personnages dans cet album, notamment en leur donnant une grande part d’humanité. Certes, il s’agit d’une leçon d’Histoire, mais c’est une leçon racontée avec passion et pédagogie, comme quand on a en face de soi un professeur particulièrement doué pour captiver l’attention de son auditoire. Le secret de cette réussite tient dans la combinaison entre le récit parfaitement charpenté de Salva Rubio, d’une part, et les dessins aussi somptueux que soignés d’Eduardo Ocaña, d’autre part. Les planches du dessinateur madrilène rendent un très bel hommage à l’architecture de Notre-Dame, mais aussi à celle de nombreux autres édifices gothiques en France. Grâce à cette BD, on redécouvre le destin étonnant d’Eugène Viollet-Le-Duc, dont le nom restera à jamais lié à Notre-Dame alors qu’il n’était, à la base, qu’un simple dessinateur sans aucun diplôme d’architecture. Raconter son histoire, c’est aussi raconter comment on peut restaurer un monument aussi iconique que Notre-Dame de Paris, à la fois en respectant le passé et en faisant preuve d’audace et de créativité. Alors que la cathédrale est en pleine restauration après le terrible incendie d’il y a trois ans, voilà une lecture qui pourrait en inspirer certains.