Avant la longue flamme rouge, Guillaume Sire, Calmann-Lévy, 2020, 408 pages en poche.
Quel récit ! Poignant du début à la fin.
C’est l’histoire d’un jeune garçon, Saravouth qui vit à Phnom Penh. Il a un père, une mère, et une sœur.
« En 1971, Saravouth a onze ans. Sa petite sœur Dara en a neuf. Leur mère, Phusati, enseigne la littérature au lycée René-Descartes. Leur père, Vichéa, travaille à la chambre d’agriculture. »
Un jour, sa vie va basculer dans l’horreur…
Saravouth s’est construit un Royaume intérieur auquel sa sœur a accès, grâce aux lectures que sa mère leur fait de l’Iliade, l’Odyssée, Peter Pan… Cette façon de raconter ce que ce jeune garçon vit à l’intérieur de lui-même est bouleversant. Les multiples comparaisons et va-et-vient entre le Royaume intérieur et l’Empire extérieur donnent à ce texte une puissance formidable. Ce n’est pas seulement le récit d’un jeune garçon à la recherche de sa famille, ce n’est pas seulement l’odyssée de Saravouth qui cherche à revenir dans son Ithaque natale, c’est aussi le récit d’un jeune garçon que la littérature entraine dans les méandres des mots, dans ce qu’ils évoquent, dans ce qu’ils font naître dans son cœur et dans son esprit.
« Les mots sont des hameçons envoyés par les poètes pour creuser des sillons sous le soleil, la mer, les cimes de l’Himalaya, les jardins multicolores, les horloges mécaniques. Les mots dansent partout. Ils travaillent. Ils organisent des batailles. La vie, les étoiles, la peau, le silence, ce sont des mots. Ce sont des hameçons. Il suffit d’écouter. »
« Les lycéens tirent les ficelles lestées par les hameçons des mots. Et ils constatent en le faisant qu’il y a toujours quelque chose au bout. »
Les lycéens évoqués ci-dessus sont ceux de la mère de Saravouth, elle est une magicienne qui arrive à hameçonner ses élèves, comme elle a embarqué ses enfants dans l’univers littéraire des personnages de fiction.
Saravouth existe, je l’ai vu dans une vidéo citée dans l’épilogue… Il est un survivant de l’horreur. En 1971, le Cambodge est en plein guerre civile, les habitants vivent atrocités sur atrocités, seule la fuite vers la Thaïlande peut leur permettre d’y échapper. Mais qui y parvient ?
La ténacité de ce jeune garçon, qui échappe à la mort à plusieurs reprises, est à tous égards, exemplaire. Il ne perd jamais l’espoir de retrouver ses parents, de retrouver les personnes qu’il a côtoyées quand ils étaient encore heureux.
Un roman qui serre le cœur.