Jylland est incontestablement une des séries révélations de l'année 2021; nous avons pris beaucoup de plaisir à suivre le récit de Bruno de Roover, qui est aussi une fresque passionnante sur la transition qui sépare des cultes et des us et coutumes guerrières, du christianisme et du pacifisme, dans les contrées glacées du grand Nord. Mêlée avec de l'action, des rebondissements, des trahisons, c'est également une saga familiale et politique de premier ordre. Dans ce troisième volume intitulé Colère froide nous retrouvons le roi Sten, désormais investi du pouvoir absolu sur le Jylland et tout occupé à s'emparer du commandement des différentes tribus disséminées çà et là, de la manière la plus simple et expéditive possible. En trucidant ceux qui s'opposent à lui, voire même en les pendant ensuite par les pieds, horrible spectacle qui hante les forêts avoisinantes. Il faut dire que ces tribus converties au christianisme prêche maintenant la paix, la non-violence; ce serait comme demander au loup d'entrer dans la bergerie pour s'asseoir à table et ripailler. Sten est devenu complètement impitoyable et n'éprouve aucun remord, il n'hésite pas d'ailleurs à promettre à celle qui porte son enfant de l'assassiner de ses propres mains, dès que celui-ci sera né. Si vous cherchez la représentation d'un méchant mégalomane, qui aime se complaire dans le sang qu'il verse, vous tenez ici un candidat sérieux pour le podium. Ceux qui luttent pour reprendre possession du royaume ont dû s'isoler dans des petites villes abritées du regard, et ils fomentent le retour et un coup d'état, sans pour autant se bercer d'illusions. La tâche est très difficile, Sten possède ses propre renseignements et il n'est pas dit que la lueur d'espoir qui apparaît enfin ne soit en fait qu'une concession machiavélique du souverain, pour détruire définitivement ses ennemis. On l'a dit, il y a dans cette aventure un nombre fort intéressant de coups bas. Tout y est permis, principalement le pire.
Ce qui frappe dans le tome 3, c'est le sentiment inéluctable de la défaite. Il n'est pas possible de s'opposer à Sten et ses hommes, quand on voit leur caractère impitoyable et les moyens disproportionnés dont ils jouissent, par rapport aux rebelles qui se contentent de flèches, de courage et de droiture morale. Sten dont le parcours connait ici une évolution ultime. Tout d'abord qualifié de "complexe et intrigant", il finit par devenir de plus en plus froid, calculateur, cynique, et au bout du compte quelqu'un dont l'indécence ne connaît pas de limite. Malgré tout, Jylland ne cède pas au pessimisme cosmique; au contraire, même si les forces en présence semblent être particulièrement déséquilibrées, je vous invite à dévorer ce 3e tome pour assister au feu d'artifice final, qui va donc régler le sort de tout un territoire, mais aussi de toute une époque, avec une transition difficile et pour ne pas dire très problématique entre des croyances et un mode de vie désuet, et l'arrivée d'une nouvelle religion portée par un pacifisme un peu trop angélique. Comme toujours, Przemyslaw Klosin sait mettre en image ce scénario explosif, avec son trait précis, clair, particulièrement attentif aux expressions et aux visages, qui humanise tous les personnages des plus importants aux plus secondaires. Jylland se révèle donc sur la durée une saga brillante, qui est parvenue à nous envoûter au fil des pages, et nous ne serions pas contre la poursuite de l'aventure, avec par exemple un saut générationnel, dans le futur. Merci Anspach.Vous pouvez lire aussi la critique du tome 1 du tome 2