Shannon Pufahl a grandi dans la campagne du Kansas, puis pendant de nombreuses années, elle a travaillé comme auteure de musique indépendante et barman. Aujourd’hui elle enseigne à l'Université de Stanford et vit à Monterey, en Californie, avec sa femme et leurs chiens. Ses essais ont été publié par de nombreux magazines. Et nous nous enfuirons sur des chevaux ardents, son premier roman qui vient de paraître, est en cours d’adaptation pour le cinéma.
Nous sommes en 1956, la jeune Muriel quitte son Kansas pour suivre à San Diego, Lee qu’elle vient d’épouser et tout juste démobilisé de la guerre de Corée. Il a pour projet d’acheter un terrain en Californie, où il est très peu cher, pour y bâtir leur maison. Là, Muriel va découvrir un monde qui lui était complètement inconnu, et plus encore, un aspect de sa personnalité intime qui s’y terrait. De son côté, Julius, frère cadet de Lee, homosexuel vivant des jeux de cartes, tombe amoureux de Henry, rencontré dans un casino de Las Vegas ; séparés, il n’hésitera pas à le rechercher jusqu’à Tijuana, en enfer.
Waouh ! Quelle claque ! Non seulement il s’agit d’un excellent roman mais il l’est l’autant plus que c’est le premier de l’écrivaine. Nul ne peut présager de l’avenir mais croyez-moi, hâtez-vous de le lire pour en retirer la petite satisfaction puérile d’être de ces élus qui ont découvert Shannon Pufhal à ses débuts.
Dès les toutes premières lignes du livre le lecteur pressent que le roman va être bon tant l’écriture somptueuse en garantit la qualité. Il en sera ainsi tout du long, un texte dense, extrêmement précis pour nous insérer dans cette Amérique des années 50 et pour être plus clair – car tout tourne autour de cet axe majeur – dans la vie secrète que devaient mener les homosexuels à cette époque. Bars louches, lieux de rencontres discrets, langage des regards, délicate sensualité latente, vols et violence, mal-être…
Pour Muriel, le parcours est autre mais elle aussi est mal dans sa peau, héritage génétique (?) d’une mère qui vivait plus librement que ce qu’imposaient les critères de son temps. De sa cambrousse à San Diego, le pas est énorme, son job dans un bar l’amène à découvrir le monde des parieurs hippiques et elle s’y risque à l’insu de son mari, fréquentant l’hippodrome et planquant ses gains. Tout comme Julius elle mène une double vie, se découvrant une liberté insoupçonnée. Julius qu’elle a très peu connu mais qui l’a immédiatement troublée, une attirance sensuelle mais mal identifiée, ignorant ses préférences mais les subodorant inconsciemment et peut-être éveillant en elle la Murielle inconnue qui se révèlera plus tard… Et Lee, me direz-vous ? Le bon gars, innocent et naïf, ne sait rien ou ne veux pas savoir ce qui motive ses proches.
Des êtres partagés entre leur personnalité réelle et les règles sociales ou morales d’une époque qui ne voulait pas les voir mais avec un faible espoir d’avenir meilleur : « peu importe le mal qu’on nous fait, on est toujours plus nombreux ».
Une plongée dans les paris hippiques, les jeux de cartes et les casinos de Vegas tandis qu’au loin dans le désert s’élève les nuages des essais atomiques sous les yeux émerveillés des foules, le monde interlope de la sexualité mise à l’index et de la révolution sexuelle en marche, le tout conté par une remarquable styliste. Décidemment je ne vois pas comment vous pourriez ne pas lire ce roman.