Les frontières du douanier Rousseau, Mathieu Siam et Thibault Lambert, Michel Lafon, 2022, 118 pages
Mathieu Siam m’avait déjà conquise avec son album à destination des enfants, En descendant le fleuve, il enfonce le clou avec cette BD.
Belle réussite : l’angle d’approche. L’album s’ouvre sur le procès d’Henri Rousseau (accusé de faux et usage de faux). 4 témoins vont se succéder à la barre : Antoine Cotton, un collègue douanier et ami de Rousseau, Valentin Fleury, un ami d’enfance, Armand Quéval, propriétaire du logement de Rousseau et enfin, M. Unde, un spécialiste et critique d’art.
4 témoins qui vont permettre de dévoiler l’homme.
Le premier dessin de Rousseau révèle un vieil homme qu’il faut soutenir, accablé par ce qui lui arrive et qui ne comprend pas ce qu’il fait là puisqu’il a une toile à terminer.
La première image que l’on a de ce peintre est donc emprunte d’empathie, on a envie de l’aider, on ne comprend pas non plus ce qu’il fait là, le délit parait si mineur (surtout aujourd’hui où les hommes politiques rivalisent de comportements plus abjects les uns que les autres).
« Ce que nous montre Rousseau, c’est l’émerveillement. » dira M. Unde.
Et ce que font Mathieu Siam et Thibault Lambert, c’est ouvrir la porte vers cet émerveillement. Le lecteur ne peut qu’être surpris, touché, bouleversé par cet homme qui croit, sans faillir, en son art et qui est pourtant moqué partout et notamment au salon des Refusés.
On dit de sa peinture qu’elle est naïve, on pourrait dire de l’homme qu’il est authentique. Il ne ment pas, il ne se cache pas derrière des faux-semblants, il parle avec ses fantômes, il peint des paysages qu’il imagine ou qu’il voit sur des cartes postales ou dans des catalogues, il fait fi des règles de la perspective, (ce qui est au premier plan est juste plus gros), les formes et les couleurs sont celles qu’il a envie de montrer, peu importe la réalité. Il offre, à celui qui regarde ses tableaux, un rêve.
Avec cette BD, Mathieu Siam nous incite à réfléchir sur la notion même d’art. Qui décide de ce qui est beau ? Qui entre dans les codes ? Qui n’y entre pas ? Qui décide des codes ?
L’album est beau, il est doux au toucher, tendre dans les illustrations, avec des couleurs qui alternent entre les bruns de la salle d’audience et les flamboiements des verts, des rouges, des jaunes, comme une résonance avec les tableaux du peintre.