Hervé Le Tellier, né en 1957, est un écrivain français. Mathématicien de formation, puis journaliste diplômé du Centre de formation des journalistes à Paris, il est docteur en linguistique et spécialiste des littératures à contraintes. Il a obtenu le prix Goncourt en 2020 pour son roman L’Anomalie qui vient d’être réédité en poche.
Printemps 2021, un Boeing Air France assurant la liaison Paris-New York approche de la côte Est des Etats-Unis quand il est pris dans un monstrueux orage. Tandis qu’il entame les procédures d’atterrissage la tour de contrôle l’informe qu’il est détourné sur un aéroport militaire. Au sol c’est la consternation incrédule, ce vol s’est déjà posé à New York il y a quatre mois, même immatriculation, mêmes pilotes, mêmes passagers !
Quel extraordinaire roman ! Quelle habilité dans la narration, quelle imagination et une belle culture générale. Tout est décoiffant dans ce bouquin, qu’on le prenne dans un sens ou dans un autre.
L’Anomalie, roman d’Hervé Le Tellier est aussi le titre du livre que va écrire Miesel, un écrivain passager du mystérieux vol, une mise en abîme qui ne manque pas de sel. A cela, ajoutez un mélange des genres littéraires, le livre débute comme un vrai polar, avec un détective sur la brèche et une entame qui en fin d’ouvrage est qualifiée par Miesel de référence à Mickey Spillane. Le thriller succède avec de petits détails qui alertent le lecteur, quelque chose de louche se trame et ne tarde pas à débouler sur la scène, ce qu’on peut qualifier de S.F. puisque l’avion et ses passagers se retrouvent dupliqués sur le sol américain, chacun des hommes et des femmes ayant son alter ego, génétiquement identique, seuls ces quatre mois de vie les différenciant.
FBI, cellule de crise et scientifiques se creusent les méninges pour tenter de comprendre l’origine de cette anomalie et garder au secret ces humains ; personnages dont l’auteur nous fait revivre leur vie d’avant, leur vie du moment puis plus tard les conséquences sur leur avenir.
Le récit très actuel met en scène les présidents Trump (« présentant une forte ressemblance avec un gros mérou à perruque blonde ») et Macron, se glissent des réflexions sur nos sociétés et le monde comme il va avec ses shows télé et ses exaltés religieux. Les clins d’œil abondent, littéraires comme par exemple avec le roman de Luke Rhinehart (L’Homme-dé) mais surtout, me semble-t-il, hommage à P.K. Dick qui a passé sa vie à s’interroger sur qu’est-ce que le réel ? L’une des théories développées par les scientifiques estimant que notre monde n’existerait pas en tant que tel, nous ne serions que des simulacres évoluant dans un méga jeu de rôles dicté par un programmeur supérieur ! Personnellement, j’adore cette idée qui ouvre de multiples pistes de discussions enflammées sur les religions, la philosophie et tout le reste.