C’est sur les conseils de Simone de Beauvoir que Violette Leduc va parcourir le sud de la France, sac au dos, Le Puy, Albi, Cordes (« Il y a à Cordes, entre les vieux habitants et les ruines, des barbelés qui sont les barbelés du respect. »), Marseille… A pied, en train ou micheline, en stop, un parcours sans ligne bien définie, rien de rectiligne dans ce qu’elle en rapporte ici. Des repas frugaux (« sardines, tomates, vache qui rit, raisin, sur un banc ombragé… »). Des rencontres bien entendu, mais vraiment très particulières voire mystérieuses (comme ces deux femmes à Albi, une vieille et l’autre avec son parapluie !).
Récit, journal de voyage, un peu des deux ou bien quelque chose de tout à fait différent plus sûrement car ne s’adressant pas aux randonneurs potentiels, l’un des éléments faisant la grande originalité de ce texte.
Disons les choses clairement tout de suite, ce bouquin n’est pas facile à lire. Même pour moi qui aime beaucoup cette écrivaine, j’ai beaucoup peiné à le terminer. Le style est au-dessus de tout soupçon, magistral, la preuve d’une grande écrivaine, mais c’est aussi sa faiblesse car il en rend la lecture complexe pour un lecteur lambda ; je crois que c’est ce que l’on qualifie de livre pour écrivains.
Sous couvert de voyage, le texte est une longue lettre d’amour à destination de Simone de Beauvoir, jamais nommée mais appelée « Madame ». Amour et découverte des régions visitées se rejoignant dans une sorte d’extase quasi mystique (« Moi religieuse dès qu’il s’agit de vous, j’ai frôlé avec mes lèvres l’épiderme ardent de la cathédrale. »).
Un livre où l’esprit tourmenté (euphémisme) de l’écrivaine est particulièrement évident, toujours très sévère avec ceux qu’elles croisent ou carrément raide quand elle évoque ses parents (« Mon père dont je me désintéresse, qui n’a été pour moi qu’un jet de sperme (…), [ma mère] je ne l’accable pas. Elle a été plus qu’humiliée : un cas. »).