Le démon de la colline aux loups, Dimitri Rouchon-Borie

Le démon de la colline aux loups, Dimitri Rouchon-Borie

Le démon de la colline aux loups, Dimitri Rouchon-Borie, Le tripode, 2021, 192 pages en poche.

Un homme raconte sa terrible vie, il est en prison, il va mourir et il dit. Il dit son enfance brisée, son enfance violente, sa solitude. Il dit l'indicible.

" J'espère que vous saurez vous montrer miséricordieux ou quelque chose comme ça parce que j'ai un parlement qui est à moi et pendant tout ce temps ces mots c'était pas façon d'être moi et pas un autre. Et comme j'ai pas fait l'école longtemps à cause du père, du Démon, de la mère et des autres, il manque des cases dans mon entendement des choses. "

Ce roman est un coup de poing dans l'inventivité de la langue. Ce n'est pas une langue écrite, ce n'est pas une langue orale, c'est autre chose. C'est la langue d'un homme qui a appris son prénom très tard, d'un homme qui a découvert la vie extérieure à un âge où tous les enfants naviguent déjà dans le monde sans difficultés, d'un homme qui parle avec ses tripes, avec son cœur, qui tente d'expliquer ce qu'il ressent avec le peu de mots qu'il a à sa disposition.

C'est donc un roman qui dérange, qui déstabilise, et en même temps qui fascine. C'est violent, voire insoutenable, mais c'est aussi très imagé, parce que, lorsqu'on n'a pas les mots, on a les images...

Ce n'est pas artificiel, on sent derrière chaque mot l'authenticité du personnage, son innocence, et sa détresse, et en cela, ce roman est une réussite.

Cet homme n'a jamais reçu aucune affection de ses proches (si ce n'est celle de sa sœur), n'a jamais été éduqué, son enfance a été saccagée, et d'un enfant meurtri il deviendra un bourreau.

C'est noir et pourtant la lumière est au bout du tunnel !

" Je sentais bien que j'avais à l'intérieur une trace qui ne partait pas c'était la déchirure de l'enfance c'est pas parce qu'on a mis un pont au-dessus du ravin qu'on a bouché le vide. "

" Je ne sais pas si j'étais prêt à revivre la Colline aux Loups même si je l'ai quittée ou si elle m'a quitté je suis comme un arbre pourri avec ses racines pour toujours dans le marais de l'enfance. "