La Dynastie du Mal
Editeur : Pocket
Nombre de pages : 284Résumé : Vingt ans se sont écoulés depuis que Dark Bane s'est imposé comme le dernier Seigneur Noir des Sith. Désormais ne subsistent plus que lui, pour incarner le pouvoir, et son apprentie, pour le convoiter. À l'issue d'un ultime duel, Zannah doit le tuer et prendre sa place, mais elle tarde à relever le défi. Bane, qui refuse de voir son rêve se briser à cause de la faiblesse de son apprentie, s'est juré de trouver l'holocron de Dark Andeddu qui renferme le secret de l'immortalité. Afin de mener ses plans à bien, il éloigne Zannah. Seulement, elle n'est pas dupe. Il est temps pour elle de passer à l'action... - Un petit extrait -
- Mon avis sur le livre -« Les gens acceptaient toujours plus aisément un mensonge quand celui-ci correspondait à leur souhait et leur espoir. »
D’ordinaire, je traine des pieds au moment d’entamer le dernier tome d’une saga : je déteste fort viscéralement devoir dire au revoir aux personnages, et je souhaite retarder autant que possible ces adieux. Mais cette fois-ci, c’était tout le contraire : j’avais follement envie d’arriver à la fin de cette trilogie, car tout ce qui m’importait, c’était de savoir comment tout cela allait bien pouvoir se terminer ! Plus que la destinée des personnages, c’est bel et bien l’avenir de cette fameuse « Règle des Deux » qui est au cœur de l’intrigue de ce troisième opus et des préoccupations du lecteur : est-elle véritablement capable d’insuffler un nouveau souffle à l’ordre Sith, au bord de l’extinction car un seul individu a eu une « révélation » à la limite du mystique ? Un Maitre. Un Apprenti. Le premier pour incarner le pouvoir. Le second pour le convoiter. Ce cycle supposé se répéter continuellement doit garantir que chaque nouveau Maitre sera plus puissant que son prédécesseur, jusqu’au jour où le Côté Obscur sera suffisamment fort pour vaincre une fois pour toutes les Jedi. Et les Sith régneront alors sans concession sur toute la galaxie. Dans la théorie, c’est ambitieux, mais pas complétement absurde – en tâchant de réfléchir comme un Sith, bien évidemment …
Mais dans la pratique, qu’en est-il ? Dans la pratique, les choses semblent bien moins reluisantes … Cela fait déjà vingt ans que Dark Bane, nouveau et unique Seigneur Noir des Sith, a recueilli et pris comme apprentie la jeune Zannah, orpheline à l’instinct de survie farouche et au potentiel plus que prometteur. Vingt ans qu’il la guide sur la voie du Côté Obscur, vingt ans qu’elle assimile ses enseignements avec une aisance inouïe et une avidité insatiable. Mais vingt ans qu’elle semble se satisfaire de son statut d’Apprentie. A-t-elle véritablement l’ambition dévorante indispensable pour être digne de lui succéder, le moment venu ? Compte-t-elle seulement un jour le défier pour prendre sa place, comme le veut la Règle des Deux ? A-t-il commis une erreur en la choisissant ? En s’efforçant de faire renaitre l’Ordre Sith de ses cendres, l’a-t-il en réalité condamné à l’extinction ? Tout en cherchant le moyen de remédier à la dégénérescence de son corps, usé par les années et affaibli par l’utilisation intensive du Côté Obscur, Dark Bane se demande s’il n’est pas temps pour lui de se trouver un nouvel apprenti, plus digne de lui … De son côté, Zannah le sent : il est grand temps pour elle de réclamer son dû en tant que Dame Noire des Siths. Elle voit bien que son Maitre décline, qu’il s’affaiblit un peu plus chaque jour, même s’il s’efforce de lui dissimuler … Mais il l’a bien formé : elle ne peut pas écarter totalement le risque que tout ceci ne soit qu’une ruse, pour voir si elle se jettera sans discernement ni patience dans la gueule du loup, qu’une nouvelle épreuve pour voir si elle est digne ou non de prendre sa place. Si elle veut le vaincre, elle doit prendre l’initiative, et non pas le laisser tirer les ficelles ...
Sur bien des points, les récits de l’univers Star Wars se rapprochent bien plus de la fantasy que de la pure science-fiction. Et je ne parle pas ici de la Force, même si nul ne peut nier que c’est de la magie qui se défend de l’être. Non, je parle bien plus de cette idée de transmission, de ce lien entre un mentor et un jeune élève. Toute l’intrigue de ce troisième tome est profondément nouée autour de cette relation de Maitre à Apprenti, de celui qui enseigne, qui donne, à celui qui apprend, qui reçoit … et qui est appelé, à son tour, à enseigner, à donner. Un cycle immuable de transmission et de réception, pour que les savoirs ne se perdent jamais, génération après génération. Mais dans le cas présent, ce lien est comme perverti par la nature même de cet enseignement : les voies du Côté Obscur affirment que l’Apprenti ne doit pas seulement succéder à son Maitre, mais le défier, le vaincre, le supplanter, le surpasser. Loin d’être indestructible comme c’est le cas en fantasy, ce lien est au contraire voué à la destruction : dans l’idéologie Sith, il n’est pas question de respect (du moins pas dans le sens le plus noble du terme) ou d’attachement, le Maitre n’est finalement qu’un moyen pour l’Apprenti de faire fructifier son potentiel. Et le jour où le Maitre n’a plus rien à lui apprendre, à lui apporter, alors l’heure sera venue de s’en débarrasser comme on jette un vieil outil à la déchetterie. Sans remords ni regrets. On ne va pas se mentir, l’amoureuse de fantasy que je suis a bien du mal avec cette vision des choses … mais le grand génie de l’auteur, c’est justement de nous faire nous intéresser malgré tout à cette relation Maitre/Apprentie si « malsaine ».
Car il y a quelque chose de fascinant dans cette « obsolescence programmée » de ce lien de mentorat et d’apprentissage. Bane et Zannah le savent tous les deux : ils ne seront pas éternellement le Maitre et l’Apprenti l’un de l’autre. Un jour viendra, inévitablement, où ils ne pourront plus se satisfaire de ce statu quo, plus fragile qu’il n’en a l’air. Ils attendent et espèrent tout deux cette confrontation fatidique, autant qu’ils la redoutent. L’un comme l’autre savent pertinemment que l’autre a soigneusement caché certaines aptitudes, certains atouts, en prévision de ce face à face décisif. Et l’un comme l’autre a très envie de prouver à l’autre qu’il a savamment su lui cacher l’étendue de ses pouvoirs, de ses savoirs. Mais aucun des deux n’est suffisamment sûr de lui pour ne pas craindre l’issue de ce combat. Alors, l’un comme l’autre essaye de mener l’autre par le bout du nez, tente de ne pas se laisser mener par le bout du nez. Jeu du chat et de la souris, où chacun est tour à tour, et même simultanément parfois, chat et souris. Proie et prédateur. Chacun persuadé d’avoir pris l’avantage, d’avoir une longueur d’avance, pour ensuite découvrir qu’il a au contraire un train de retard. Ruse et patience : qu’ils le veuillent ou non, Bane et Zannah se ressemblent énormément. Comme un Maitre et son Apprentie, quand bien même ils sont voués à tenter de s’entretuer. Et le vainqueur oubliera le vaincu, comme on oublie une fourmi écrasée sous son talon : chez les Siths, le faible ne mérite aucun honneur, aucune pensée … Mais ils sont les deux facettes d’une même pièce, inséparables quoi qu’ils en pensent, car Bane a façonné Zannah autant que Zannah a façonné Bane. Quoi qu’il arrive, ces deux décennies laisseront des traces indélébiles chez le survivant.
Cette confrontation à venir, elle est évoquée dès la deuxième ou troisième page du prologue … Mais elle tarde à arriver. Elle se profile à l’horizon, c’est indéniable, mais elle est sans cesse retardée par mille et une circonvolutions, par plusieurs sous-intrigues parallèles qui viennent s’entremêler à cette Intrigue Principale. Complexifier, c’est bien. Laisser mariner le lecteur, c’est bien aussi. Mais point trop n’en faut : un peu de frustration donne envie de dévorer chapitre après chapitre, trop de frustration donne simplement envie de jeter le livre au feu. A vouloir bien faire, l’auteur en a trop fait (comme beaucoup d’autres, c’est un mal très répandu chez les auteurs) : au bout d’un moment, le lecteur en a tout simplement assez que le récit tourne ainsi en rond, fasse du surplace. Pas la peine de nous rabâcher trois, six, dix fois que Bane et Zannah sont tous les deux tiraillés par l’incertitude, le doute, par l’envie d’en finir et la crainte d’avoir été trop impatient. On a bien compris que l’un comme l’autre est convaincu que l’autre ne « joue pas le jeu », inutile de le répéter si souvent … Ne nous mentons pas, ce troisième opus souffre de quelques longueurs, et certains personnages sont vraiment à claquer par moment (Serra la première, Set le second). Et quand bien même cela n’empêche nullement la tension dramatique de monter crescendo, pour exploser avec fracas lorsqu’arrive le moment tant attendu … on ne peut pas nier que ça casse un peu le plaisir de la lecture, l’excitation à l’approche du climax. Comme un soufflé au fromage, l’attente du lecteur finit par retomber, et c’est un peu dommage !
En bref, vous l’aurez bien compris, c’est une fin de trilogie qui se veut grandiloquente, et on ne peut pas nier que la fin est grandiose, mais qui souffre tout de même d’une certaine langueur, l’auteur faisant beaucoup trop trainer les choses en longueur ! Pour un peu, la première réflexion du lecteur une fois la dernière page tournée serait « tout ça pour ça ? » … Alors certes, il y a quelques moments de grande tension, des retournements de situation imprévisibles, des instants de doute et d’incertitude, mais cela ne suffit pas à contrebalancer tous les moments de latence où on a le sentiment que rien ne se passe, que l’auteur est en train de se moquer de nous. Et d’ailleurs, c’est indéniable, Drew Karpashyn est doué : il sait frustrer son lecteur comme peu d’auteurs savent le faire ! Heureusement que la fin est à la hauteur de nos attentes, car il a fallu beaucoup de patience et de self-control pour en arriver là, tandis que l’on se perd dans les méandres de la vengeance de la petite princesse, dans les atermoiements de Lucia qui ne sait plus envers qui être fidèle … Avec cette fin, on retombe enfin sur nos pieds, on en revient à l’essentiel, à ce qui devait être l’unique enjeu de cet opus final : l’avenir de l’Ordre Sith. Le reste n’est que broutilles, que des miettes pour nous faire patienter : ce qu’on attendait, c’était ce face à face, dont l’issue déterminera bien plus que la vie et la mort de l’un ou de l’autre. Et cette confrontation, on la savoure d’autant plus qu’on l’a attendu ! Et la cerise sur le gâteau, c’est que c’est magnifiquement bien écrit : c’est subtil, c’est élégant, presque noble, une plume digne des grandes épopées de la fantasy !