Le nombre d'univers parallèles au nôtre a toujours varié dans l'univers DC comics, selon les époques, mais ces temps derniers nous sommes revenus à une infinité de possibilités, ce qui donne un peu le vertige quand une menace s'en prend au Multivers. Il faut une équipe de poids pour la contrer, composée de membres puisés ça et là à travers toutes les Terres qui existent. Cette formation un peu particulière de la justice League s'appelle donc la Justice Incarnée. Comme le veut la tradition, elle est menée par Superman, mais pas tout à fait celui que nous connaissons. Calvin Harris est le président Superman sur sa Terre; c'est lui qui dirige la maison Blanche, c'est aussi un afro-américain. Autour de lui, nous trouvons des personnages parfois absurdes comme Captain Carrot, le lapin cuisiné à la testostérone, Aquawoman, qui vient d'un monde où les genres sont inversés, ou encore Thomas Wayne, le Batman de l'univers Flashpoint. Sans oublier Docteur Multiverse, une jeune femme qui incarne à elle seule ce concept complexe. Cette fois, ce sont les "grandes ténèbres" qui menacent la création. Elle pourraient radicalement tout anéantir, à tel point que même Darkseid, pourtant considéré comme le dieu du mal absolu, pourrait bien ne représenter qu'une menace mineure, par rapport à ce qui se trame dans l'ombre. Barry Allen a disparu, il a été manipulé par Darkseid lui-même pour créer une fissure dans le multivers, fissure qu'il va falloir au plus vite contrôler ou refermer, pour éviter que le pire ne se produise. Première constatation, il vaut mieux être coutumier du fait et avoir un peu d'expérience de lecture avant d'aborder cet album, autrement vous allez devoir le parcourir avec un tube d'aspirine à portée de main. La galerie de personnages présentée est complexe et la lecture peut même sembler par endroit totalement hermétique. Joshua Williamson sait parfaitement où il va, mais je vous assure qu'il faut faire preuve de résistance, car les deux premiers épisodes sont aussi denses que par moment énigmatiques, voire confus.
En fait, nous tenons là une sorte d'aboutissement entre les mains. De prolongement, à défaut de conclusion, de certains grands moments de l'histoire de DC Comics, de Crisis on Infinite Earths à Dark Knights Metal, en passant par The Multiversity de Grant Morrison, qui demandait toujours à être exploité plus concrètement. Du coup, nous trouvons pas mal de confusion, mais aussi des intuitions merveilleuses, comme lorsque le Président Superman et Docteur Multiverse se retrouvent sur une Terre parallèle, et que le seul moyen qu'ils ont pour communiquer avec leurs camarades et de devenir des artistes de comic books, et faire publier chez DC le récit de leurs aventures face à Darkseid, qui serviront de balises et de mode d'emploi pour la marche à suivre. Comme le temps s'y écoule différemment, les deux héros forment une sorte de néo couple, se mettent au travail, apprennent à se connaître avant de s'éloigner pour incompatibilité, et mènent leur mission à son terme, même si le final leur réserve une sacrée surprise. C'est assez drôle de voir Thomas Wayne à l'œuvre sur la Terre 26, là où les lois de la physique sont différentes, avec des habitants qui sont tous dotés de corps de cartoons, avec les conséquences pratiques que vous pouvez imaginer. Terre 7 par contre est détruite, et son importance pourrait bien être la clé de la chute des héros, qui ont toujours un temps de retard, sur un Darkseid qui lui aussi est loin d'avoir partie gagnée. Justice Incarnée, c'est pour finir un sacré patchwork de dessinateurs qui se succèdent. Avec du très bon; Mikel Janin, Kyle Hotz et ses planches plus gothiques, ou encore Brandon Peterson, pour ce qui est des artistes au style léché et détaillé. Et puis aussi Andrei Bressan, qui en terme de volume de production occupe le rôle central dans cette aventure. S'il parvient à toujours maintenir le cap, je suis plus dubitatif quand il doit livrer des vignettes plus petites, avec différents personnages, qui une fois réduits à une échelle moins flatteuse, apparaissent également moins convaincants. Sans être laid, loin de là, il y a un petit quelque chose de moins iconique ou imposant que chez ses collègues. Globalement cette saga cosmique a du mal à trouver sa voie, reste hermétique de bout en bout pour ceux qui n'ont pas de master en histoire de DC Comics, et repose sur de petites parenthèses bien trouvées pour faire fonctionner son capital sympathie. On était en droit de s'attendre à mieux.
Un peu d'humour avec Darkseid face à celui est un peu le "Thanos de DC Comics", et qui subit une défaite cuisante, ponctuée par un "Snap".