L'honnêteté veut qu'avant d'entamer cette critique de la série Disney + Miss Marvel, nous nous penchions sur le public à qui elle est réellement destinée. C'est-à-dire les adolescents et les amateurs de séries légères, et certainement pas le Marvel fan historique et exigeant, qui aime comparer les différences entre les adaptations à l'écran et ce qui existe sur le papier, tout en se complaisant dans le c'était tellement mieux avant. L'héroïne créée par G. Willow Wilson est de toute manière récente; elle fait partie de cette tendance actuelle à s'adresser et rechercher de nouveaux lectorats. Ici nous avons une jeune fille musulmane, en provenance du Pakistan, et dont la famille a fini par s'intégrer dans la société américaine, non sans quelques difficultés. J'aborde ce point dès le départ car il est évident qu'il s'agit du thème central de ces six épisodes. Que ce soit l'habillage ou la bande son, le décor ou toutes les intrigues secondaires, les origines et la religion de la petite Kamala Khan sont totalement intégrées à l'histoire. Mais là où il aurait été possible de s'attendre à une peinture au vitriol des relations tendues qui existent entre une partie des Américains, qui ne voient pas d'un bon œil les étrangers (surtout certains…) et des musulmans en but à bien des contradictions, et osons le dire, un racisme environnant frappant, nous avons droit à une version idéalisée et très édulcorée de ce que peut-être le melting pot aux États-Unis. Quels sont les véritables problèmes que rencontre la famille Khan, en tant que pakistanais ? Quasiment aucun. Ce que l'on comprend dans la série, c'est qu'à partir du moment où on a assez d'argent pour vivre dignement (quand on peut se payer plusieurs billets aller-retour d'avion pour toute la famille au Pakistan, au dernier moment, cela prouve qu'on est loin d'être dans le besoin) le racisme ou l'intégration ne sont plus les écueils principaux. Ce sont bien les difficultés sociales, l'indigence, qui font qu'on s'isole ou qu'on est montré du doigt. Kamala appartient à une couche sociale qui lui permet de se sentir "plus américaine" que bien des Américains de souche, qui se contentent de conditions de logement insalubre. De plus, elle a été vampirisée par la culture américaine, au point d'avoir une passion pour les super-héros (Captain Marvel en particulier), de fréquenter les Comic-Con, et toutes ses références personnelles vont en ce sens. Si ce n'était pour quelques traits physiques qui la caractérise, on pourrait la prendre pour une jeune fille de New York ou de Chicago depuis des générations, sans aucun problème. Sa famille est aimante, très compréhensive, finit par fermer un œil sur ses fréquentations et ses folies d'adolescente, tandis que la mosquée dans laquelle elle se rend pour prier est carrément un havre de paix et d'œcuménisme, où même les jeunes filles peuvent prétendre devenir des figures de référence pour l'organisation du culte. C'est un progressisme que j'applaudis des deux mains, mais qui me laisse tout de même une impression étrange de féerie, bien loin de ce qui semble se dérouler en réalité aux États-Unis. En fait, toute la série Miss Marvel semble baigner dans un halo improbable, un patchwork de couleurs, de sons et d'odeurs, qui en font une carte postale fascinante, mais qui pour le coup méprise la crédibilité.
Pour trouver du positif dans cette série, il faut se concentrer sur l'actrice principale, la jeune Iman Vellani, qui est en effet une incarnation vraiment convaincante de Kamala Khan. Grande fan du personnage et de l'univers Marvel, elle se retrouve propulsée dans un monde qui n'est pas encore vraiment le sien et s'y comporte à merveille. Ce n'était pas gagné d'avance car le reste du casting est vraiment transparent, avec des personnages sans aucune saveur, et il faut le souligner, sans aucun réel vilain à lui opposer. L'univers Marvel des comics étant différent de celui du cinéma et de la télévision, il n'était pas possible de faire de Kamala une Inhumaine. Rappelez-vous l'échec extraordinaire de la série consacrée aux Inhumains; infliger à quelqu'un de la regarder à nouveau serait pour le coup une punition tout à fait inhumaine. Il est donc ici question de bracelet magique, même si au terme du dernier épisode, une révélation inattendue revient tout mettre en jeu. Bracelet qui permet à la jeune adolescente de projeter des formes énergétiques solides. Un pouvoir d'ailleurs assez confus et qui n'est jamais explicité de manière détaillée. La série est aussi l'occasion de voir apparaître les ClanDestine... et là il faut être un véritable expert Marvelophile pour se souvenir de ce que furent ces personnages dans les années 90, lorsqu'ils étaient lancés par Alan Davis. Ce que nous voyons à l'écran est de toute façon radicalement différent de ce que nous avons eu à l'époque, et il faut bien le dire, ne présente que bien peu d'intérêt. La série tout entière est assez soporifique et s'éloigne parfois totalement du super-héroïsme, pour nous asséner des leçons d'histoire sur les relations entre le Pakistan, l'Inde et l'Angleterre, les méfaits du colonialisme, et toutes sortes de remarques sociales et culturelles, qui deviennent autant de cartes postales absconses. Si vous vous endormez durant le visionnage, principalement du troisième au cinquième épisode, sachez que c'est tout à fait normal. Une histoire familiale mal ficelée et mièvre, un public cible qui n'est clairement pas celui auquel j'appartiens, une héroïne un peu trop abandonnée à elle-même et entourée de personnages secondaires transparents, une absence totale de vrais enjeux capitaux (bon, en fait, il y en aurait tout de même puisque le monde est en péril, mais on n'y croit pas un instant), cette série Miss Marvel est une sorte d'ovni dans le panorama des productions Marvel Studios sur Disney Plus. Ovni dans le sens "d'objet visuel non indispensable". Ce n'est qu'un avis personnel bien entendu et vous êtes tout à fait libre d'apprécier ces épisodes, mais pour ce qui me concerne, aller au bout afin de vous livrer une chronique ne restera pas ma meilleure expérience de l'année 2022.