Une sortie honorable - Éric Vuillard

J'ai découvert la plume d'Éric Vuillard à l'occasion de son Ordre du jour très réussi. J'ai voulu continuer avec l'auteur et là, je reconnais que je n'ai pas été convaincue par le traitement de la période historique relatée dans Une sortie honorable.

Une sortie honorable - Éric Vuillard
Une sortie honorable décortique les dernières années de la guerre franco-indochinoise opposant l'union française au Viêt-minh. Éric Vuillard présente les forces en jeu, de nombreux orateurs politiques français qui sont intervenus en place publique soit pour arrêter le conflit soit pour le poursuivre. L'auteur n'hésite pas à les décrire physiquement, politiquement et a donné son point de vue sur cette guerre longue, très et trop longue (neuf années complètes, quand au bout de cinq, la bataille prenait déjà un très mauvais virage économique pour la France - un peu moins pour certains circuits financiers-, décomptait de nombreux morts notamment parmi les civils indochinois sans que le front militaire n'avance).  Bref, Éric Vuillard fait preuve de causticité et de raillerie comme à son habitude, manipulant le verbe avec brio. Il a l'art de nous rendre la quatrième république haletante en précisant que malgré les nombreux conseils successifs et relativement instables, certaines figures politiques restent en poste (cela reste un peu moins vrai maintenant en France même si on constate toujours quelques reliquats qui s'accrochent au pouvoir quitte à changer de bannière pour faire diversion, tout insoumis que certains d'entre eux présentent).
J'ai moins cru à l'analyse de cette guerre franco-indochinoise faite par Éric Vuillard parce qu'elle m'a parue réductrice et partiale. Si Éric Vuillard nous explicte les méandres militaires et politiques qui ont tardé à réagir, son récit manque de nuance et a tendance à surajouter dans les attitudes que ce soit avec Mendès France, Minost, Navarre, De Lattre (la partie de l'interview américaine m'a paru bien creuse et surtout complètement à l'ouest... c'est le cas de le dire). J'ai trouvé que globalement le propos partait dans tous les sens, donnant le sentiment que l'auteur a essayé d'atteindre plusieurs cadres mélangeant les degrés de responsabilité, en favorisant un zapping littéraire permanent, afin d'exploiter en peu de pages une période de conflits armés longue de neuf ans, à laquelle s'ajoutera en fin d'ouvrage la guerre du Viêt Nam. Éric Vuillard veut un discours complet et exhaustif, il le rend lourd d'éléments abscons : un peu de CIA, un peu de Voici dans la vie privée des politiques, un peu de grandiloquence, un peu de gens qui doutent et ont mauvaise conscience, un peu de nantis et un peu de parvenus, un pschitt de discours militaire, une once journalistique de questions pour un champion. Le conflit entre le Viêt Nam et les États-Unis est finalement peu abordé et sert de prétexte à la thèse de l'auteur qui est de Savoir sortir d'un conflit armé à temps. J'aurais aimé également qu'Éric Vuillard éclaircisse son propos car au cours de ma lecture, j'ai eu l'impression d'une tendance fâcheuse de sa part d'assimiler les deux guerres, alors qu'elles se distinguent (la première davantage sur un plan géopolitique (période de décolonisation), la seconde davantage géopolitique et idéologique (période Guerre froide)).
Une lecture en demi-teinte avec le sentiment d'apprendre la Grande Histoire de façon complètement biaisée et incomplète, d'y lire un autre "roman français" tout aussi orienté que l'initial !
Éditions Actes Sud
autres avis : Alex, Keisha,  

du même auteur : L'ordre du jour