John Monk Saunders : Le Dernier vol

John Monk Saunders, Ernest Hemingway,    John Monk Saunders (1897-1940 par suicide) est un scénariste et écrivain américain. John Monk Saunders suit des études à l'université du Minnesota, puis au cours de la Première Guerre mondiale, il sert en Floride où il entraîne les pilotes qui vont par la suite participer aux combats en Europe, mais il regrettera longtemps de ne pas y avoir lui-même participé. Au début des années 1920, il est journaliste d'abord pour le Los Angeles Times, puis pour New York Tribune et The American Magazine, et il collabore régulièrement à Cosmopolitan et Liberty. En 1925 il vend une nouvelle à un magazine ce qui le fait entrer à Hollywood où il obtiendra un Oscar en 1931 pour le scénario de La Patrouille de l’Aube, film réalisé par Howard Hawks. John Monk Saunders sera aussi l’époux de Fay Wray, l’actrice du King Kong de 1933. Le Dernier vol, roman de 1931 lui aussi adapté pour le cinéma, vient de paraitre.

Paris, après la Première guerre mondiale, hôtel Carlton. Quatre aviateurs américains sont restés en France après leur démobilisation : Shepard (Shep) Lambert, le meneur du groupe, toujours actif et le verre à la main, payant toutes les notes ; Cary Lockwood avec les séquelles de ses brûlures aux mains ; Bill Bronco Talbot, un costaud, ancien footballeur ; Johnny Swann surnommé « le licencieux » et enfin Francis « le Washout » [le lessivé], albinos, homosexuel et amateur de substances illicites. Leurs journées consistent à s’alcooliser, espérant trouver le repos dans l’ébriété. Ils vont faire la connaissance de Nikki, une très jeune fille aisée, luxueusement installée à l’hôtel, une ingénue assez farfelue mais exerçant un charme certain, à titre divers, sur nos gars…

La gamine ne crache pas sur la bouteille et les beuveries vont s’enchainer, page après page, entre deux visites au cimetière du Montparnasse, la Butte Montmartre, les clubs parisiens et autres lieux où l’on s’amuse, à moins que ce ne soit exceptionnellement au bois de Boulogne la nuit…

Le roman est tout en dialogues vifs et enlevés, souvent sans queue ni tête comme lorsque l’on est alcoolisé et de bonne humeur, on parle pour ne rien dire, pour tuer le temps, vaincre l’ennui et oublier les traumatismes de la guerre. C’est amusant, mais je commençais à m’ennuyer craignant que ça ne dure tout le livre, toutes leurs séances de picolage me saoulaient contrairement à eux. Heureusement la bande de fêtards, de criquets de bars, décide subitement de partir pour Lisbonne et le roman prend une autre tournure. Plus profond et plus dramatique aussi.

Le récit s’anime, ça bouge plus même si on boit toujours autant, Madrid succédera à Lisbonne, il y aura des corridas mais aussi du sang. La bande se disloque et le roman s’achève par un retour au Carlton parisien où Nikki se livre et met les points sur les «I » pour décider son favori à s’engager dans une relation devant lier et sauver, peut-être, leurs deux âmes en peine.. ?

Des américains déracinés dans le Paris des années 1920, cultivant l’oisiveté, qui picolent et font la tournée des clubs et des bars pour s’oublier et soigner leurs tourments existentiels et le vide qui les habite, ça rappelle furieusement Hemingway. Et ce n’est pas faux, car comme le dit Garnier dans son excellente préface « Si quelqu’un a incarné la « génération perdue » à la perfection, c’est Saunders. »

On pourrait s’étendre sur chacun des protagonistes, dresser leur portrait psychologique, mettre en avant leurs diables intérieurs pour expliquer leurs actes pas souvent sensés. Ce serait vous lasser de me lire et gâcher votre plaisir de lecture.

Un bon roman.