Que reviennent ceux qui sont loin - Pierre Adrian (**** voire plus)

J'ai eu le privilège de recevoir lors d'une Masse Critique Babelio ce dernier livre de Pierre Adrian. Je ne savais pas à quoi m'attendre, j'avais eu un bref résumé qui me parlait bien. En fait, à la fin de cette lecture, j'ai eu le sentiment de lire quelque chose d'infiniment précieux, d'inclassable, aux confins du roman et de l'autofiction, une œuvre qui m'a fait du bien, qui m'a donné des réponses, une œuvre très inspirante. Pourtant, lorsqu'on lit le texte, on sent bien que Pierre Adrian ne cherche pas la démonstration, il est constamment dans la justesse et il m'a émue par sa sincérité, tout en proposant une écriture fine.

Le synopsis : un trentenaire revient dans la maison familiale passer le mois d'août auprès d'oncles, de tantes, de cousins et de sa grand-mère. Ce séjour est l'occasion de reprendre contact avec son clan familial et estival, un contact plus ou moins rapproché selon les affinités.

Que reviennent ceux qui sont loin - Pierre Adrian (**** voire plus)

J'ai trouvé que Que reviennent ceux qui sont loin s'inscrivait dans le sillon de Leurs enfants après eux de Nicolas Mathieu, non pas par un côté sociologique prononcé mais plutôt par l'acuité du regard, notamment sur le cercle familial, sur l'enfance et l'adolescence, sur le recul et l'envol vers le monde adulte. Il y a des scènes bien décrites à la fois anodines car quotidiennes et qui disent tout ce qu'on est, ce qu'on laisse, les reproches effleurés, les manques, le "conflit" entre les locaux et les touristes. J'ai trouvé aussi un petit côté modianesque, justement dans la précision des traits, dans la juxtaposition des mots, dans le rythme des phrases même si le style littéraire modianesque n'est sublimé que par le nobelisé. Et puis surtout, ce livre est truffé de réflexions sur la vie et ces réflexions sont disséminées à l'occasion de dialogues, de descriptions. C'est aussi à sa façon, un écrit du passé, celui qu'on contemple quand on revient dans un endroit connu et aimé après une longue période d'absence. Il y a aussi cette lenteur des instants comme dans Un  dimanche à la campagne de Bertrand Tavernier.

J'ai aimé cet attachement à un lieu, cette peur aussi de se dire que tout est éphémère, que les relations ne survivront pas peut-être à la disparition de l'aïeule. J'ai été surprise par le choc de la fin même si Pierre Adrian amorce des indices, même si la dédicace du livre laisse entrevoir un hommage appuyé.  

Et puis pour être complètement transparente, j'ai été aussi attentive à l'environnement breton décrit proche de Brest et de Saint-Pol de Léon, pas très loin de mon paradis breton. Et j'ai bien entendu compris l'attachement à ce rivage, à cette région, son hommage aussi.  

Lorsque j'ai refermé Que reviennent ceux qui sont loin, ma première impression a été de me dire que j'avais très certainement entre les mains un très grand livre, mais que je n'en avais pas encore conscience (comme cela m'arrive parfois), un roman sur la transition entre l'enfance, l'adolescence et le monde adulte, entre le passé et le futur, un roman attachant sur toutes les formes de transmission. 

Editions Gallimard (rentrée 2022)

Lu dans le cadre d'une Masse critique privilégiée : je remercie les éditions Gallimard et le site Babelio pour cette très belle découverte.