Vous connaissez tous le célèbre adage, à grands pouvoirs grandes responsabilités. Et bien, nous pourrions ajouter, à grandes responsabilités, grand poids à porter. C'est ainsi que depuis son accession au trône d'Asgard, Thor est assailli par un sentiment de pesanteur devant l'immensité de ce qu'il va devoir accomplir. Une sensation psychologique et une réalité physique, lorsqu'il réalise qu'il doit fournir toujours plus d'efforts rien que pour soulever son marteau Mjolnir. Pas le temps non plus d'assister au réjouissances royales, puisque voici que débarque Galactus, en piteux état, qui vient demander l'aide du Dieu tonnerre. C'est qu'une nouvelle menace pointe le bout de son nez à l'horizon. L'Hiver Noir menace tout l'univers et pour l'arrêter ce ne sera pas simple. Après tout, c'est ce qui a mis un terme définitif à l'univers qui a précédé le nôtre, celui dont Galactus semble être l'unique survivant. Le pouvoir n'est alors pas suffisant pour vaincre, il faut véritablement accéder à un tel niveau de puissance que nous sommes là dans le domaine de l'improbable, de l'indicible. Thor va-t-il se mettre au service de Galactus, ou Galactus sera-t-il un objet qu'utilisera Thor pour triompher? Toujours est-il que cet étrange attelage va se lancer dans une course poursuite afin de mettre un terme à ce qui menace l'existence tout entière. Donny Cates a un grand mérite, probablement hérité des années 1990, il ose, il parvient à écrire des histoires qui repoussent les limites de l'émerveillement et du crédible, pour à chaque fois réutiliser et réinventer des éléments clés de la mythologie des séries qui lui échoient. Cette fois encore, c'est une grande épopée majestueuse et fun qui attend le lecteur, et qui après un véritable feu d'artifice cosmique prend une direction beaucoup plus intime. Et dramatique.
Lourde est la charge, pour celui qui est devenu roi sans jamais avoir demandé d'endosser cette responsabilité. Impossible d'avoir un moment de répit, de bénéficier de relations autres que celles du souverain avec ses subalternes. Il existerait bien une solution, qui serait de momentanément s'éclipser, ou pour être exact d'échanger sa présence physique avec celle de celui qui fut autrefois son double humain, le docteur Donald Blake. Le problème, c'est que cela fait bien des années qu'un tel échange n'a plus eu lieu, et Blake a eu tout le temps de sombrer dans la folie, oublié de tous et de tout, dans une sorte de construction artificielle autrefois établie par Odin, et qui est devenu au fil du temps une prison dorée. Alors, quand enfin Thor et Donald Blake s'apprêtent à changer de place une nouvelle fois, c'est une situation inédite et impensable qui se produit : Thor se condamne tout seul à l'exil, dans l'impossibilité de reprendre sa place, et le docteur Donald Blake n'est plus qu'un cinglé sanguinaire, bien loin de celui qui autrefois sauvait des vies. Comme déjà dit précédemment, il y a un mérite évident aux histoires écrites par Donny Cates; on ne s'ennuie jamais. Il y a toujours ce petit quelque chose qui nous fait vibrer en attendant l'épisode prochain. L'association avec le dessinateur Nic Klein est particulièrement réussie, car ce dernier est à la fois capable de produire des planches riches en détails et fort agréables, tout en gardant un petit côté sauvage et indie a des illustrations du plus bel effet, que ce soit dans la construction des pages, l'attention portée aux expressions, ou des splash pages de grand impact, pour souligner les moments les plus imposants. Klein fournit un travail remarquable, et il est véritablement le bon artiste au bon endroit, au bon moment. Aaron Kuder se contente de mettre en scène deux épisodes de transition plutôt burlesques, qui servent de temps de respiration. Décidément après un run d'une longueur et d'une qualité exceptionnelle signée Jason Aaron, Thor n'a pas fini d'être choyé, et nous autres lecteurs avons de nouvelles raisons de nous en réjouir.