Toutes les princesses meurent après minuit (Quentin Zuttion – Editions Le Lombard)
Le 31 août 1997 au matin, le monde apprend avec stupéfaction la mort de Lady Di, la princesse des coeurs, dans un accident de voiture dans le tunnel du Pont de l’Alma à Paris. Les télés et les radios tournent en boucle sur cette disparition tragique, y compris dans le petit pavillon de banlieue où habite Lulu, huit ans, avec sa grande soeur Cam, quinze ans, et ses parents. Mais en réalité, cette nouvelle ne bouleverse aucun des membres de la famille. Car en cette fin d’été étouffante, chacun a d’autres préoccupations en tête. Lulu cherche avant tout à attirer l’attention de Yoyo, son voisin de deux ans son aîné, avec qui il adore jouer à la princesse et au chevalier. Que ce soit dans son bain, où il s’amuse à mettre du rouge à lèvres, ou dans la piscine, où il se déguise en sirène et imagine des tas de scénarios avec ses poupées Barbie, il rêve toujours du moment béni où il embrassera enfin son beau voisin. Lulu se voit comme une princesse, et Yoyo est son prince. Mais bien sûr, ce dernier est loin de se douter qu’il est devenu un tel objet de fantasmes pour son ami… Dans le même temps, Cam vit son premier amour, en cachant à sa mère qu’elle accueille son petit copain dans sa chambre pendant la nuit. Elle aussi est un peu dépassée par ses sentiments: d’un côté, elle chante « Freed from desire » à tue-tête, mais en même temps, elle est en colère contre le reste du monde, sans trop savoir pourquoi. Quant à la maman de Lulu et Cam, elle tente de faire bonne figure et d’agir comme si de rien n’était, mais elle bout intérieurement. Car une fois de plus, son mari n’a pas dormi à la maison. Et si cette fois, c’était la fin de son couple?
Quentin Zuttion nous touche au coeur avec ce nouveau roman graphique. Coeur est le mot juste, car « Toutes les princesses meurent après minuit » parle de l’amour sous toutes ses formes. L’amour naissant, l’amour qui meurt, l’amour contrarié, l’amour pour une personne du même sexe, l’amour maternel, l’amour fraternel. En suivant de manière simple et sans fioritures le quotidien d’une famille comme les autres sur une période de seulement 24 heures, l’auteur parvient à raconter une histoire universelle: celle du désir d’aimer et d’être aimé. A l’image de la couverture de l’album, qui est d’une grande douceur, Quentin Zuttion fait preuve de beaucoup de délicatesse pour dépeindre les espoirs et les désillusions de Lulu, Cam et leurs parents. « Toutes les princesses meurent après minuit » est un livre faits de petits riens et de moments en apparence insignifiants. Mais en réalité, c’est un récit d’une grande profondeur car chacun des personnages de l’histoire se trouve à un tournant de son existence. Clairement, Question Zuttion a mis beaucoup de lui dans cette BD. Il s’est inspiré de sa propre soeur et de sa propre mère, mais aussi de l’enfant de huit ans qu’il a été et qui ressemblait certainement à Lulu. « Il en faut du courage et du tempérament pour être une princesse amoureuse quand on est un petit garçon », dit l’auteur. Dans ce livre très personnel, il a su trouver le ton juste pour parler de la découverte de l’homosexualité, mais aussi de cette fin de l’innocence par laquelle nous passons toutes et tous. Pour mettre en lumière ce récit familial d’une grande humanité, il opte pour des dessins aux traits délicats et des couleurs pastel chaudes et intenses. D’ores et déjà l’un des livres les plus forts de cette rentrée BD.