Veillée par une lune rose, Wink, au Nouveau-Mexique, est une petite ville idéale. À un détail près : elle ne figure sur aucune carte. Après deux ans d errance, Mona Bright, ex-flic, vient d y hériter de la maison de sa mère, qui s est suicidée trente ans plus tôt. Très vite, Mona s attache au calme des rues, aux jolis petits pavillons, aux habitants qui semblent encore vivre dans l utopique douceur des années cinquante. Pourtant, au fil de ses rencontres et de son enquête sur le passé de sa mère et les circonstances de sa mort (fuyez le naturel...), Mona doit se rendre à l évidence : une menace plane sur Wink et ses étranges habitants. Sera-t-elle vraiment de taille à affronter les forces occultes à l'oeuvre dans ce lieu hors d Amérique ?
Pourquoi ce livre ? Je ne l'ai pas forcément remarqué à sa sortie, c'est en entendant un conseil de mon libraire préféré, quand il occupait son ancien poste, dire que ça faisait longtemps qu'il n'avait pas passé une nuit blanche sur un bouquin en parlant de celui-ci. Je ne l'ai pas acheté de suite, mais le conseil m'est resté longtemps en tête et je l'ai finalement acheté. Plus d'un an plus tard (l'épaisseur me faisait peur), il sort enfin de ma PAL.
American elsewhere est un livre qui aurait tout aussi bien pu être écrit par Stephen King en personne. Déjà parce que c'est un roman fantastique où flirte une petite touche d'horreur. Pas de jump scare, pas de gros monstre, mais toujours un petit malaise dans les conversations, les non-dit, la nature des personnages. L'ambiance contribue également beaucoup à ce malaise. Dès le départ, cette petite ville qui n'apparaît sur aucune carte transpire le secret. Pourquoi tout y est parfait ? Pourquoi les gens sont si adorables ou à l'inverse totalement silencieux voire méprisables ? Tant de questions, que l'on se pose au même titre que la protagoniste, et presque huit cents pages pour trouver les réponses.
Le début peut paraître un peu long pour sa mise en place, d'autant plus qu'on découvre vite trop de personnages, si bien qu'on peut s'y perdre. De mon côté c'est une mise en place qui me convient car elle est mouvementée et dose parfaitement petits détails du quotidien, vie chaotique et amorce d'énigmes liées à Wink, bourgade du Nouveau-Mexique. J'ai également vu quelques commentaires sur le fait que le roman était trop long et aurait gagné à être raccourci de trois cents pages. J'ai moi-même ressenti une longueur au début du dernier tiers mais ça ne m'a pas gênée. En revanche, raccourcir le roman reviendrait à supprimer cette ambiance si envoûtante, je suis donc totalement opposée à cette idée. Et je suis bien au contraire charmée que l'auteur ait autant étoffé son récit.
Au final, ce roman aurait pu être un coup de cœur, même avec cette petite longueur. C'était sans compter sur une fin sans saveur. En fait, l'héroïne fait une découverte tellement téléphonée, prévisible (j'avais compris à la moitié du roman) que je ressors forcément exaspérée et surtout un peu déçue. Après tout ce qui se passe et le fait que Mona soit tolérée malgré son statut d'étrangère, ça me semblait évident que son lien avec les événements ne relevait pas seulement de son enquête personnelle. L'auteur a joué la carte de la facilité, seulement ça ne colle pas au degré de maturité de son univers.
J'ai adoré les personnages. Je ne me suis pas forcément attachée à eux mais ils sont tellement surprenants, tellement singuliers, qu'ils attisent forcément la curiosité. Mona est à la fois simple, par la vie qu'elle mène, et compliquée. Elle possède un caractère fort, un tempérament de meneuse, pourtant elle fuit son passé comme ses faiblesses, refusant d'affronter la douleur en face. Les autres personnages gravitent autour d'elles, papillonnent au gré des découvertes. Là encore je ne me suis pas attachée à eux, j'ai même remarqué que je confondais deux personnages qui n'avaient pourtant rien à voir, mais ils façonnent l'ambiance et l'image de la ville, c'est extrêmement bien fait !
Le style d'écriture de Robert Jackson Bennett est vraiment excellent. Pour avoir déjà lu Vigilance, je ne me souvenais pas d'une plume aussi travaillée, ciselée pour cette ambiance malaisante. C'est fluide malgré la pesanteur de certains passages, c'est assez descriptif sans alourdir. Non vraiment, les huit cents pages sont passées toute seule ! D'ailleurs, à l'intérieur c'est maquetté de façon à rendre la lecture fluide et agréable également, avec de bonnes marges, une taille de caractère élevée et un bel interligne, pour une lecture aérée. N'ayez donc pas peur de l'aspect briquette, ça se lit bien plus rapidement que l'épaisseur ne le laisse présager.
Je suis tellement dégoutée d'être passée à deux doigts du coup de cœur ! Oui, le roman recèle une petite longueur peu avant le rebondissement final, mais est surtout ce dernier qui gâte la partie, avec des personnages pourtant intelligents, raisonnés, qui ne sentent pourtant pas venir les dernières révélations. Ce n'est pas cohérent avec tout ce qui précède ! En dehors de cette déception, c'est une expérience à vivre pour son ambiance et sa petite touche d'horreur. Ça m'a tout de suite donné le sentiment d'être plongée dans un Stephen King, c'est pour ça que je pense que ce one shot mériterait à être connu. De mon côté, je vais aller ne faire qu'une bouchée des Maîtres enlumineurs avant la fin de l'année !
18/20