Des abeilles sous la peau, David Machado, traduit du portugais par Clara Domingues, Editions de l’aube, 2019, 405 pages.
« Nous avions en commun l’écho infini de la douleur de nos enfances, la vie à tout jamais recouverte d’un épais brouillard. Et je ne sais ce qui est le pire : la souffrance ou le souvenir éternel de cette souffrance ; un souvenir qui s’immisce dans les pensées, la chair, les os, les mots, l’âme, et contamine tout. On a beau lutter de toutes ses forces, il est impossible de survivre au mal qu’on nous a fait. »
Julia n’a pas tout raconté de ce qui lui était arrivé. Mais une chose est sûre, elle est traumatisée. Cloitrée chez elle, elle entend les disputes incessantes de ses voisins et ne souhaite qu’une seule chose : sauver la petite fille qui subit la violence de ses parents.
Ce roman se divise en trois parties distinctes, à trois dates différentes. Narration à la troisième personne pour la première partie centrée sur Julia. Des notes pour un roman écrites par un homme pour la seconde partie. Et l’enregistrement d’un enfant pour la dernière. Là encore, je n’ai pas envie d’en dire davantage parce que l’auteur donne à ses textes une ambiance énigmatique, on ne sait pas tout de suite qui sont les personnages qui évoluent sous nos yeux interloqués, on ne le comprend qu’au bout d’un certain temps.
C’est original, atypique et intéressant. D’un point de vue littéraire et formel, la seconde partie est passionnante. Rien n’est totalement explicite, tout est suggéré avec pudeur et parfois des pans entiers de la vie des personnages sont tus. C’est un roman qui permet au lecteur d’avoir une part active dans les déductions qu’il doit faire pour élucider les situations. Ce roman est exigeant, il n’apporte pas toujours de réponse, mais nous mène à réfléchir.
Le sujet ?
La violence faite aux femmes, la violence faite aux enfants, la violence en général et le traumatisme que cela engendre. Ces actes violents ne sont pas décrits, à peine effleurés, car l’auteur a choisi de mettre l’accent sur les conséquences qu’elles ont sur la personne qui les a subies mais aussi sur les générations futures.
Un livre qui mérite qu’on s’y attarde. Vraiment.
Lu dans le cadre du prix des Lecteurs de Cognac.