Cela fait bien longtemps qu'on nous le promet, ce graphic novel écrit et dessiné par Alex Ross. Il est enfin arrivé, avec quelques jours de retard sur la version américaine seulement. Alex Ross, c'est le spécialiste du photoréalisme, célèbre notamment pour ces deux grandes œuvres que sont Marvels et Kingdom Come, histoire de ne déplaire à personne, un coup chez Marvel un coup chez DC comics. Ses couvertures sont légion, et sa manière de faire sembler réel un univers de fiction fantasmagorique reste la caractéristique principale de son talent éclatant. Ici, Alex Ross démontre qu'il est tout de même un peu moins bon scénariste, ou en tous les cas, qu'il n'a pas ce coup de génie artistique dont il fait preuve quand il s'empare des crayons. Pour autant, l'histoire reste plaisante et se veut avant tout un hommage à la grande époque des Fantastiques, celle qui était présidée par Stan Lee et Jack Kirby. Nous revenons à l'époque de Fantastic four 51, un des épisodes les plus célèbres de la saga, celui qui est intitulé This man… this monster! L'individu que nous rencontrions alors et qui s'emparait des pouvoirs de Ben Grimm, pour finalement se retrouver emprisonné dans la Zone Négative, est de retour dans le quartier des fantastiques. Il est surpris en pleine nuit par un Ben qui profite du sommeil des autres pour aller régulièrement piller le frigo; une vieille habitude comme le savent tous les lecteurs du quatuor. L'alarme est donnée car notre visiteur inattendu est dans une situation bien singulière. Son organisme est en fait le réceptacle d'une invasion de petites bestioles peu sympathiques, des parasites en provenance de la Zone Négative, comme le remarque tout de suite Reed Richards. Le type est génial et il ne lui faut que quelques minutes pour identifier la source du problème, et mettre au point la technologie suffisante pour aller enquêter sur place. La Zone Négative, vous le savez tous ou presque, c'est le royaume d'Annihilus, et c'est surtout une version dangereuse de notre univers, avec lequel elle n'est pas compatible. Force positive et négative en contact, cela signifie explosion massive et destruction. Heureusement, les Fantastiques ont toujours l'équipement adéquat à portée de la main…
Si nous parlons du contenu, abordons aussi le contenant, car les deux sont au diapason. Il faut être honnête, c'est un splendide d'album qui est proposé par Panini. L'écrin se devait de toute façon d'être à la hauteur, pour ce qui constitue de la part de Marvel la première collaboration avec Abrams Comicart, et le nouveau label MarvelArts . Le style photoréaliste d'Alex Ross, qui n'est pas sans rappeler les œuvres de Norman Rockwell, est ici utilisé de manière différente, notamment à cause d'une mise en couleur extrêmement contrastée, qui va puiser dans des teintes orangées, rosées et violacées parfois assez surprenantes. La texture des costumes, la grande variété des expressions, toutes plus réussies les unes que les autres, la capacité d'instaurer une ambiance étrange et décalée, la maîtrise et la position de l'ombre et de la lumière, font que chaque planche est assurément une réussite plastique évidente. On trouve souvent des hommages au travail de Jack Kirby, qui utilisait à l'époque des collages photographiques pour exprimer le sentiment de majestuosité aliénante de la Zone Négative. En réalité, s'il faut trouver un point faible à ce graphic novel de prestige, c'est justement et tout bêtement l'histoire. Pas la narration, car celle-ci fonctionne parfaitement, mais le sujet en soi, qui reste à inscrire dans le sillon d'une certaine banalité, à savoir un hommage appliqué à ce qui autrefois constituait le sel des aventures des Fantastiques. Un visiteur venu d'ailleurs, la nécessité de pénétrer dans son univers pour en ressortir avec un nouveau trésor d'expérience et de rencontres humanistes; en fait la même chose dans les années 1970 aurait été accueillie avec un entrain immodéré. Aujourd'hui, à une époque où nous sommes habitués à lire des comics sarcastiques, post modernes ou carrément glauques, le parfum rétro qui flotte dans ces pages n'est probablement pas ce qu'attend tout le monde. Qu'importe, on le répète, nous l'attendions depuis tellement longtemps -et Alex Ross a mis la barre tellement haute- qu'on ne peut être qu'admiratif et envoûté en tournant les pages de ce Full Circle.
Edition régulière + collector, chez Panini Comics.
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