On croyait l'hypothèse d'un conflit nucléaire réservée aux pires heures du passé, cette longue et étrange période que l'on nomme aujourd'hui la Guerre Froide. Les derniers événements internationaux nous prouvent qu'il convient tout de même de faire attention, car l'impossible pourrait bien un jour devenir réalité. C'est en tout cas ce qui s'est produit dans cet album que propose Urban Comics, intitulé Geiger. Le feu nucléaire s'est déchaîné sans que l'on comprenne bien pourquoi; d'ailleurs, la seule alternative possible pour les citoyens du monde est de se réfugier dans des abris, des bunker dans lesquels attendre la fin de l'effet des radiations. Oui mais voilà, les places sont chères et tout le monde ne possède pas ce genre de ressources. Par exemple ce n'est pas le cas des voisins de Tariq Geiger. Lorsque ce dernier (qui porte un nom de famille assez prédestiné) décide de mettre sa famille à l'abri, il est sauvagement agressé par ceux qui habitent à côté de chez lui et qui désirent s'emparer de son bunker. Tarik parvient à mettre sa famille hors de danger mais pour lui, il est trop tard. Lorsque la bombe explose, il est investi par son souffle et ses effets; à partir de là, le lecteur se rend compte que ce n'est pas la mort atroce qui est au bout du chemin, mais au contraire, une transformation particulièrement étonnante. Tarik avait un cancer avant que les faits se produisent, peut-être est-ce pour cela… toujours est-il que son organisme a subi une étrange mutation, au point qu'il devienne un surhomme dans un monde où la loi n'existe plus, où la civilisation s'est effondrée. Il y a donc un guerrier phosphorescent qui intervient dans certaines situations désespérées. Certains voient en lui une légende, mais tôt ou tard, ils ont affaire à l'étonnante réalité de l'existence de ce type, dont l'obsession est la protection d'un abri antiatomique, qui contient… bon inutile que je rentre dans les détails, vous avez vu le début de cet article et vous avez compris. Geoff Johns a un talent inné pour créer un univers et des histoires à partir de pas grand-chose et cette fois encore, même si le sujet a déjà été maintes fois abordé, croyez-moi, il fait preuve d'un savoir-faire évident.
Geiger, c'est un peu une centrale nucléaire ambulante. Il est obligé de s'insérer deux barres de bore dans le dos pour maîtriser sa formidable puissance, à l'instar du noyau de la centrale qui autrement atteint son point critique de fusion. Un personnage solitaire et tragique, qui a perdu sa famille donc, mais qui va récupérer au passage deux enfants en cavale, les prendre sous sa coupe et leur sauver la vie. Dans le monde post-apocalyptique de Geoff Johns, l'Amérique s'est effondrée et la ville de Las Vegas, le paradis du jeu et des casinos, est transformée en un aréopage de personnages délirants, avec à leur tête un roi bouffon qui rêve d'écraser tous ceux qui se dressent sur son chemin. Il faut le dire très sincèrement, par endroits nous sommes vraiment au bord du grand n'importe quoi, tellement l'histoire de s'embarrasse pas de crédibilité et fonce bille en tête vers sa résolution. Ajoutons surtout que ce qui peut sembler un point faible est en fait une force, car il est toujours possible d'écrire des comics intéressants et qui vous prennent aux tripes, sans s'embarrasser d'une description minutieuse de ce que seraient les faits dans la vie réelle. Nous sommes ici face à du divertissement un peu grand guignol certes, mais bien écrit, qui respecte tous les codes et donne envie d'en savoir plus. Et ça tombe bien car tout ceci s'insère dans un projet beaucoup plus complexe et organique intitulé The Unnamed, c'est-à-dire une histoire alternative des États-Unis à travers les destins d'une série de nouveaux héros ou anti-héros, qui à travers les siècles apparaissent sans que personne ne puisse vraiment savoir grand-chose sur leurs identités et leurs agissements. Johns est accompagné de Gary Frank dans cette grande aventure, et c'est une bonne nouvelle, tant le trait précis, anatomiquement remarquable et ombrageux à souhait de l'artiste rehausse l'ensemble des idées du scénariste, pour donner une atmosphère captivante et par endroit lugubre à ce qui constitue une découverte jouissive. Oui on a vraiment beaucoup aimé Geiger, parce que cette bande dessinée ne souffre d'aucun complexe, ne se prend pas pour ce qu'elle n'est pas et avec une certaine forme de naïveté, elle parvient droit au but, c'est-à-dire nous faire vibrer tout en inventant un un terrain de jeu fascinant.
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