J'ai longtemps tourné autour du Bal des folles, à la fois motivée de découvrir ce best-seller et aussi pas si intéressée que cela par la thématique abordée du roman : celui de l'enfermement des femmes, de tout type d'enfermement. Mais résumer ce livre à la vie dans un hôpital psychiatrique serait réducteur tant il est foisonnant par les personnages qu'il propose.
Du côté féminin : quatre femmes -Louise l'éternelle fiancée, Geneviève l'infirmière au regard attentif et au parcours métaphysique, Eugénie la clairvoyante, Thérèse la généreuse tricoteuse -.
Du côté masculin : les hommes apparaissent comme éléments secondaires mais au pouvoir de nuisance amplifié, pour éclairer davantage leur maladresse, leurs mauvais desseins ou leur faute originelle. Le professeur Charcot voue une passion aux séances publiques où sont exposées sans aucune pudeur ni respect des patientes dites malades, contribue à l'apothéose de l'exhibition scientifique malsaine représentée par Le sinistre bal des folles, sorte de moment où les patientes ont leur heure de gloire et de distraction. Reste le frère d'Eugénie pour sauver la mise masculine face à cette misogynie ambiante.
Le bal des folles est un récit bien construit et écrit qui parle d'hystérie féminine, d'enfermement d'esprits sains et réfractaires à l'autorité des hommes mais soumises à leur bon vouloir, de femmes fragilisées socialement ou traumatisées qui pensent trouver en la Salpêtrière un endroit de protection. Victoria Mas élabore une histoire cohérente, navigue entre "ses" quatre héroïnes, et présente une Geneviève complexe à l'évolution torturée mais salutaire. Elle distille savamment des éléments de contexte historique et scientifique du XIXème siècle. Elle offre une plongée ésotérique d'une époque empreinte aux croyances. On pourrait lui reprocher son jusqu'au boutisme féministe et son extrémisme, sauf que certains faits historiques corroborent sa thèse.
La lectrice Audrey Sourdive use de différentes tonalités de sa voix pour faire parler ces dames et donne vie à ce texte foisonnant et riche. En bonus offert par cette édition audio, Victoria Mas précise lors d'une interview qu'elle a mis un temps certain à se faire publier, que ces précédents écrits ont essuyé de nombreux refus de la part d'éditeurs, que le personnage de Geneviève est celui qui lui a posé le plus de difficulté pour l'aimer et le faire évoluer. Au regard (à l'écoute plutôt) de cette intrigue, tous ses efforts n'ont pas été vains : assurément Le bal des folles est une œuvre de qualité tant littéraire que narrative au classicisme accessible et respecté, avec un scénario efficace (mis à part le destin de Louise dont la finalité m'a paru bâclée). Le bal des folles mérite amplement tous les prix reçus et la reconnaissance du public. Pour une première, c'est donc une belle première !
Quelques images : des lettres émouvantes à l'absente, un poing sur le ventre pour arrêter une crise d'hystérie (geste qui rappelle l'étymologie de ce terme très connoté, geste dur qui montre toute la violence faite au corps), un apparat masculin comme issue et accès à la liberté (une image qui veut tout dire de l'époque).
Editions Audiolib
Lu par Audrey Sourdive
Emprunté à la bibliothèque.
autres avis : Hélène, Comète, Pativore, Alex,
une participation au chouette challenge de ma copine Sylire
Évasion musicale : Dans mon dos - Camille Schneyder