Une petite ville du Mississipi en 1976. Roberta, 14 ans, la narratrice du roman, son frère aîné Willet et leur petite sœur de 6 ans Pansy, se baignent dans l’eau d’une carrière quand survient l’orage, séparés, Pansy disparaît. Les recherches ne donneront rien. Le père souvent absent n’est pas là, la mère se morfond, Willet est persuadé que c’est leur père qui l’a enlevée et Roberta s’estime responsable du désastre. Elle et son frère vont tenter de retrouver leur petite sœur…
Un excellent roman qui doit beaucoup à sa construction astucieuse/mystérieuse, genre poupées russes.
Le père, faux-monnayeur, est toujours absent parti fourguer ses billets loin d’ici et leur mère élève les gamins. La grand-mère Clémentine, Mamie Clem, connait les herbes qui guérissent et celles qui délivrent les femmes qui sont dans une sale situation, et s’il est trop tard, Mamie sait où placer les bébés non désirés, ceux qui risquent le pire car issus d’une liaison interraciale. Willet accuse leur père de l’enlèvement mais sans aucune preuve tangible. Quant à la carrière où s’est produit le drame, elle jouit d’une réputation sulfureuse et diabolique inspirant crainte et peur touchant au surnaturel, d’ailleurs, Roberta n’ose avouer qu’elle aurait aperçu une silhouette simiesque dans la forêt lors du drame…
A cette enquête assez basique semble-t-il, l’écrivaine trouve une parade géniale (?), elle intercale dans son récit, des chapitres historiquement très antérieurs avec des personnages dont on ne sait rien et dont on se demande ce qu’ils viennent faire ici, jeunes couples avec femme enceinte, enfants métis etc. Comme de bien entendu, ces chapitres sont essentiels et petit à petit, ces passages incompréhensibles vont commencer à esquisser une fresque familiale ou quelque chose d’assez proche de l’idée qu’on s’en fait.
Pendant ce temps, Roberta et Willet poursuivent leur quête, une piste les menant vers les Everglades où pourrait se trouver leur père et peut-être Pansy. Je vous laisse découvrir la suite de cette magnifique histoire qui s’étend sur plusieurs années, portée par la pugnacité de Roberta.
Le roman a pour thèmes, les secrets familiaux : les enfants abandonnés doivent-ils savoir qui est leur véritable mère ? Une famille doit-elle obligatoirement résulter des liens du sang ? Y-a-t-il des secrets légitimes ? Avec en toile de fond, la ségrégation raciale, le droit à l’avortement face aux croyances religieuses…
Un excellent roman, très sombre, où le Bien et le Mal restent des notions floues selon les circonstances.
« Mais ma mémoire était-elle fiable, au fond ? Je me rappelais un monstre dans les bois, et Willet disait que les monstres n’existaient pas. Je me souvenais que maman chouchoutait Pansy, mais maman avait nié avoir jamais fait de favoritisme. Je me rappelais le feu d’artifice, l’odeur de soufre et la soirée d’été parfaite, mais Bubba affirmait que ça ne lui disait rien du tout. Et quoi que je me rappelle, ou quoi que j’imagine, ça ne changeait rien au fait que le corps de papa avait été retrouvé dans ce motel dégueulasse. »
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Héloïse Esquié