Quelle surprise en consultant la liste des œuvres (romans et nouvelles) de l'écrivain, deux romans m'avaient échappé, ce Wolf (1971) le tout premier paru, et un autre que je me réserve pour plus tard. Quand on interrogeait Harrison sur ce livre, il le résumait succinctement ainsi " C'est l'histoire d'un jeune homme qui a fait pas mal de bêtises dans sa vie et s'enfonce dans les bois avec l'idée de s'y enraciner pour de bon et, surtout, de rencontrer un loup. " Et si je vous dis que le bouquin est sous-titré Mémoires fictifs, vous aurez une assez proche idée de son contenu.
Nous avons donc Swanson notre héros, un jeune gars qui part en forêt, loin du monde pour être au plus près de la nature et de sa faune, plus ou moins bien équipé pour ce genre d'aventure mais assez expérimenté pour ne pas faire d'âneries dommageables et en profiter pour ne pas boire d'alcool. Il crapahute de-ci, de-là, rampe dans le marais pour épier un balbuzard devenu oiseau rare etc.
Ça pourrait être un peu bateau à lire ce texte aujourd'hui mais Jim Harrison a déjà la fibre du grand écrivain qu'il deviendra car cette randonnée est ponctuée de digressions multiples et de natures diverses qui rompent le prévisible, surtout pour ceux qui ont déjà lu l'auteur. A cette errance se mêlent des rêveries poétiques, des fantasmes et des souvenirs autobiographiques avérés (décès tragique de son père et sa sœur, perte de son œil, ses origines suédoises...) et d'autres très plausibles ou très proches de la réalité vécue : il sillonne le pays en autostop, Boston, New York, la Californie..., il boit des coups, il connait de jolies filles (Laurie, Barbara...), il fait des rencontres, une jeune vie de marginal sans le sou. Et déjà à cette époque ce triste constat sur ce que devient l'Amérique où la nature peine à résister à l'envahissement humain et industriel.
Ce n'est bien entendu pas le meilleur roman de Jim Harrison mais pour un premier essai, il est prometteur et bien dans le sillon de ce qu'il tracera par la suite.
" Il n'y avait plus de terres vierges, seulement quelques avant-postes moins visités que d'autres. On creusait l'Arctique pour y puiser du pétrole, de grandes mares d'huile suintaient à travers les glaciers. Le continent américain ressemblerait à l'Europe avant que ma vie ne prenne fin, et j'en était désespéré. La simple odeur du profit nous ferait détruire toute beauté, il n'était plus question de sentiments. "
Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Marie-Hélène Dumas
Préface inédite de François Busnel