Inaya, une intrépide fillette de huit ans, vit avec sa tante et ses cousines dans un village d'Afrique, au cœur d'une région instable depuis des années. Un jour, une association humanitaire s'installe à proximité du village. Les bénévoles se mettent en quête d'orphelins de père et de mère, afin de les sortir de la misère et de leur donner accès à l'école. Sur le camp où ils sont accueillis, Inaya et une centaine d'autres enfants sont ainsi nourris, logés, instruits et soignés. Mais quelles sont les véritables intentions de cette association ?
Premier roman de l'auteure, Pour leur bien est une fiction inspirée du scandale de l'Arche de Zoé, l'association humanitaire qui, en 2007, a tenté d'enlever des enfants tchadiens à leurs familles pour les faire adopter en France. Dans le roman d' Amandine Prié, une association française propose à des villageois africains d'accueillir une centaine d'enfants orphelins, pour leur donner accès aux études. Le camp installé, leur intentions apparaissent toutefois assez ambigües. Leur manque de moyens et d'organisation devient rapidement évident et met en péril leur structure. Jusqu'au jour où le scandale éclate.
L'accent est mis sur le point de vue de la petite Inaya, une enfant intelligente et courageuse, dont les parents ont été tués par les rebelles. Consciente de la précarité de leurs conditions de vie, elle perçoit la chance qui lui est donnée d'aller à l'école, elle envisage même de poursuivre des études pour devenir médecin ! Si dans un premier temps, elle se montre méfiante, elle fait peu à peu confiance à ces Blancs qui prennent soin d'eux. Mais elle est également une des premières à se rendre compte que quelque chose ne va pas. L'instituteur est un des habitants du village, il n'a aucune compétence éducative, n'en sait quasiment pas plus qu'eux et est très rapidement viré de son poste ! Que manigancent ces français qui se disputent souvent entre eux ? Et pour quelles raisons certains de ses camarades disparaissent ?
Le récit, trés nuancé, questionne sur plusieurs sujets, notamment sur le bien-fondé d'une mission humanitaire. A aucun moment nous n'avons la certitude que certains personnages sont réellement habités de mauvaises intentions envers les enfants. Tous ont la volonté de donner une chance à ces enfants africains, qui vivent dans une région instable, dans le dénuement le plus total. Mais le point de vue de ces humanitaires français est purement occidental. Il est motivé par un intérêt financier illégal, et d'autre part par un intérêt narcissique: paradoxalement, ils veulent absolument faire le bien sans considérer les véritables besoins de ces enfants, sans prendre en compte leurs attentes et leurs ressentis. La corruption, l'appât du gain, les intérêts financiers balayent les bons sentiments.
Ce récit remarquablement documenté met en scène des personnages attachants, principalement les enfants Inaya et son ami Sekou, qui ont vécu des évènements très difficiles et aspirent à une vie meilleure. Les motivations des humanitaires se dévoilent peu à peu, et certains d'entre eux prennent conscience que leurs actes auront de facheuses conséquences à court et longs termes sur les enfants. Leur amateurisme dans ce domaine devient alors flagrant et aucun retour en arrière n'est possible. Ce livre intéressant aborde d'un point de vue audacieux l'ambiguïté et les paradoxes des missions humanitaires. Inspiré de faits réels, il ne remet pas en question la cause humanitaire mais nous pousse à réfléchir sur notre façon très occidentale de voir les choses.
Encore une fois, je sors des sentiers battus, je quitte ma zone de confort littéraire pour tenter d'autres lectures plus atypiques, et j'en suis ravie. Je remercie chaleureusement les Editions Les Pérégrines et Babelio pour ce roman obtenu dans le cadre de l'Opération Masse Critique Littérature Septembre 2022.