Stardust – Léonora Miano

Par Lison Carpentier @loeilnoir1

A la suite d'une rupture sentimentale, Louise, une jeune étudiante camerounaise, est accueillie dans un centre de réinsertion et d'hébergement d'urgence du 19éme arrondissement parisien. Elle a 23 ans, n'a ni titre de séjour, ni domicile, elle ne retournera pas dans son pays car les membres de sa famille rejeterait cette mère célibataire qui les déshonore. Elle ne sera pas expulsée car sa fille Bliss, née de père français possède la nationalité française.

est le premier roman de l'auteure, écrit il y a plus de vingt ans par nécessité de mettre des mots sur une période difficile de sa vie. Louise est Léonora Miano, il s'agit de son parcours, de son combat, son style surprenant peut-être à la fois poétique et cinglant, particulièrement efficace dans la mesure où ce roman m'a énormément touchée. Je ne suis pas sûre de pouvoir qualifier de chaotique le parcours de cette femme, aussi atypique soit-il, tant Louise/Léonora fait preuve de combativité et de force de caractère. Elle est intégre, complête, sûre d'elle. Son récit est ponctué de lettres qu'elle adresse à sa gran-mère, une femme qu'elle aime et respecte énormément et avec qui elle était très complice avant de venir en France. Sa grand-mère voyait en elle de la poussière d'étoile.

Elle relate les émotions ressentis durant son séjour dans ce refuge, baptisé Crimée, que l'on compare à une fosse commune. Sa chambre dans cet accueil de fortune ressemble à une cellule de prison, un purgatoire. Mais quel crime a t-elle commis pour échouer dans cet endroit ? Elle ne vit que pour sa fille, cherche à être digne alors qu'elle n'a rien à lui offrir hormis son amour. Sa fille la porte vers le futur, lui donne foi en l'avenir " Bliss enfante Louise, l'oblige à se tenir debout" , car une " maternité inattendue peut être une expérience fondatrice" . Comment se construire dans un monde qui ne lui ressemble pas, entre la grande précarité et la peur des services sociaux ? Elle a du interrompre ses études pour s'occuper de sa fille mais la littérature, la poésie et le jazz ne la quittent jamais. Elle raconte son combat pour se frayer un passage vers la vie, elle qui a tant de rêves et d'espoirs, tant de passions à vivre, elle rêve de chanter, de devenir reporter, c'est la raison pour laquelle elle a quitté le Cameroun.

Il y aussi dans ce roman un constat social sans langue de bois au sujet de l'immigration. Certaines choses devaient être dites et le sont de manière efficace, par un cri du coeur, un cri de colère envers un pays qui a menti.

Toute nation se crée des mythes. Toute nation repose sur des fictions. Dans celles qu'on nous conte de la France, il n'y a pas d'exclusion sociale. Pas d'endroits où les marginaux sont entassés, refoulés. Dans la fable qui se transmet chez nous de génération en génération, l'hiver est froid, mais il ne l'est que pour permettre le port de vêtements élégants (...) On ne dit pas que ce froid est mortel pour ceux qui n'ont nulle part où aller ".

est une ôde à la liberté et au courage, le récit d'une guerrière dont la grande profondeur d'âme permet de créer à partir de l'intime un récit à la portée universelle et de nous rappeler que ce que Louise / Léonora Miano a vécu, chacun de nous est susceptible de le vivre un jour ou l'autre car aucune situation sociale n'est insubmersible. Nul n'est à l'abri de faire de mauvais choix ou de subir les dérives d'une nation. Un grand coup de coeur pour ce roman.

Je remercie les Editions Grasset via NetGalley pour leur confiance.