Stardust - Léonora Miano
Éditions Grasset (2022)
La jeune femme prend dans ses bras l'enfant qui va clore sa première année. Elle sort un sein pas douché, faute de commodités dans l'hôtel. Il y a encore du lait. Même privée de nourriture comme c'est souvent le cas, elle peut allaiter son enfant. La petite grandit. La mère la regarde, se demande comment être à la hauteur d'une telle confiance, d'un tel abandon. (Page 20)
Dans l'avant-propos, Léonore Miano explique clairement l'histoire de ce roman. En voici les premières phrases :
Stardust est le premier roman que j'ai composé dans l'intention de le faire publier. Écrit il y a plus de vingt ans, il relate un moment marquant de ma vie, cette période au cours de laquelle je fus accueillie dans un centre de réinsertion et d'hébergement d'urgence du 19e arrondissement de Paris. J'étais alors une jeune mère de vingt-trois ans, sans domicile ni titre de séjour.
166 rue de Crimée, c'est l'adresse du CHRS, où une assistante sociale plus efficace et plus concernée que d'habitude a trouvé une place pour accueillir Louise et sa fille Bliss. C'est là qu'elles vont dormir, en attendant que Louise obtienne son titre de séjour et qu'elle puisse enfin être accueillie en maison maternelle. Dormir et non pas vivre ni s'installer, ce que rejette Louise de toutes ses forces. Ne pas s'habituer à la violence du centre, ne pas se lier avec les autres résidentes, mais rester digne, différente, libre.
Les femmes de Crimée sont des passagères. C'est ainsi que l'administration les désigne. Ce sont des embarquées pour une drôle de croisière à durée indéterminée, à l'issue incertaine. Elles passent. Ne cherchent pas de connexion véritable. Seulement quelque chose qui y ressemble. Succédané de relation. Amitié de Pacotille. (Page 87)
C'est un texte très fort, que Léonora Miano a gardé des années de côté, a retravaillé maintes fois avant finalement de le publier, maintenant qu'elle est une auteure reconnue et qu'elle ne peut plus être réduite à un passé de SDF.
Stardust est un roman, parce que Léonora Miano l'a décidé, mais c'est aussi un témoignage puissant sur la réalité des centres d'hébergement et de réinsertion sociale, sur la précarité, sur les conséquences de l'après-colonisation, sur les politiques d'accueil en France.
Mais entre les phrases de résistance, de révolte, de refus de se soumettre au découragement, pointent les souvenirs des échanges entre Louise et sa grand-mère, l'émerveillement qu'elle ressent lorsqu'elle observe sa fille et sa volonté farouche de croire à un avenir digne.
Beau premier contact avec la rentrée littéraire de cet automne 2022 !