Copra volume 3 : les portraits décomposés de michel fiffe (chez delirium)

Par Universcomics @Josemaniette

 Aussi dysfonctionnelle qu'elle puisse être, la bande des joyeux drilles de Copra forme une unité dont le rôle est de mener à bien des missions qui passent en dessous le radar de tout le monde; c'est extrêmement périlleux et tous ceux qui participent ne sont que des pions à sacrifier sur l'autel d'une cause qui n'est pas forcément toujours très noble. Alors parfois, vient le besoin de souffler entre deux opérations d'importance. Chacun peut retrouver sa vie, son existence, ou tout du moins ce qui en fait office et parfois ça n'est vraiment pas grand chose. Lloyd, par exemple, doit encore composer avec la mort de son fils, qu'il n'a toujours pas digérée, et comme en plus il a de sérieuses raisons de penser qu'un autre membre du groupe porte sa part de responsabilité, le voici alors engagé dans une course vers la vengeance. Comme il le dit lui-même en fin d'épisode, il se focalise sur un petit point noir dans un océan de néant et se raccroche à ce point. Un personnage qui n'a plus de repère et qui en conséquence est capable de tout, y compris le pire. Patrick "Wir" Dale passe pour sa part le plus clair de son temps dans une armure high-tech, qui lui permet de briser ses adversaires. Mais quand il en sort, c'est un homme somme toute banal qui doit composer avec sa famille, et notamment ceux qui sèment le trouble et deviennent une menace pour la tranquillité des siens. Insensible sous sa forme mécanique, il devient par contre l'objet de passions et pulsions humaines quand il abandonne sa carapace. Et tant pis pour ceux qui n'ont pas compris qu'il y avait des limites à ne pas franchir, surtout quand il s'agit de rôder dangereusement autour de sa grand-mère. Ce volume trois s'attarde également sur le personnage de Gracie. Nous la retrouvons en Floride, sur la piste de trafiquants de drogue, mais aussi du terrorisme anti cubain. Plus encore que dans les deux premiers numéros de ce tome, il y a beaucoup d'action et de violence dans ces pages ou Michel Fiffe continue de se divertir grandement. Plus qu'un attachement atavique au réalisme des personnages, c'est sa manière de raconter l'histoire sans entrave, avec un style personnel et inédit, qui s'avère réjouissant. On trouve toujours de nouvelles petites inventions, comme par exemple l'insertion du nom des personnages sous forme d'onomatopée o d'ajouts qui se fondent dans la planche, là-même où ils apparaissent. Parfois à l'économie, sans avoir besoin du moindre trait de trop, Fiffe va droit au but, sans forcément emprunter les chemins auquel le lecteur est habitué.

Avec Guthie commencent les trois récits les plus ésotériques, qui surfent entre dimensions étrangères, métaphysique et folie furieuse. Abandonnée en piteux état dans une autre dimension, elle va devoir se refaire une santé avant de se retrouver à nouveau confrontée à ses poursuivants. Et ça ne se finira pas de la meilleure des manières. Situation également très tendue pour Rax et son gilet bien particulier, une des armes les plus formidables que quiconque n'ait jamais portée. Seulement voilà, quand on est incarcéré et sur le point d'être abandonné dans une sorte de "zone fantôme" scellée, mais aussi battu à mort par des codétenus qui profitent d'un moment de doute, quel espoir peut-il encore subsister de reprendre une vie plus ou moins normale? Une question à laquelle il n'y a pas forcément de réponse. Quant à Xenia, elle possède toujours dans son organisme ce fragment d'un casque au pouvoir incommensurable, qui fait d'elle une créature au pouvoir quasi divins. Instable et confrontée à des instincts et désirs des plus contradictoires, elle tente de sauver Vincent, la version Copra du Docteur Strange, dans un univers totalement fantasmagorique, qui permet à Michel Fiffe de lâcher prise définitivement, d'instaurer une construction des pages, une insertion des dialogues et une progression logique de l'histoire des plus dingues. C'est dans cet épisode qu'il donne la pleine mesure de ce qui constitue sa force, sa faculté de s'émanciper des canons du genre pour écrire planche après planche sa propre histoire, dans tous les sens du terme. Il est donc fort logique et pertinent que ce soit cette aventure précise qui vienne clore le volume 3 de Copra. Comme toujours un petit bijou graphique, qui derrière l'apparente simplicité des traits et des formes, recèle une inventivité et une singularité que nous avons rencontré bien peu souvent dans l'histoire du média. En fait, il s'agit d'un titre totalement à part, qui a tout autant de chance de vous rebuter que de vous faire tomber radicalement amoureux. Comme nous faisons partie de ceux qui ont eu le coup de foudre, vous pouvez deviner le plaisir évident à retrouver cette galerie de portraits qui sert un peu d'interlude ou de second départ à un monde fascinant. À retrouver chez Delirium, un éditeur qui ressemble aux créatures qu'il publie, et dont il partage les qualités.


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