Le dernier été
Editeur : Gallimard
Nombre de pages : 403Résumé : Après leur première année loin de chez elles, à l'université, Carmen, Tibby, Bridget et Lena ont chacune des projets différents pour l'été : Carmen participe à un festival de théâtre, Tibby reste au campus à New York pour suivre un séminaire d'écriture de scénarios, Bridget part en Turquie sur un chantier de fouilles archéologiques et Lena suit un atelier de dessin ... Au seuil de leur vie d'adulte, c'est l'heure des grandes questions et, parfois, des déceptions. Mais une chose est sûre : avec ou sans le jean, leur amitié restera éternellement dans le bleu.
- Un petit extrait -- Mon avis sur le livre -« Il me semble que j’ai compris… On n’habite plus à Bethesda, on n’est plus au lycée. On ne vit plus chez nos parents et on n’a pas encore de chez-nous. C’est là que nous avons grandi, que nous avons passé du temps ensemble, mais ce ne sont que des lieux, des époques, ce n’est pas nous. Si on s’imagine que nous quatre, c’est lié à un endroit ou à un moment précis, c’est fichu, car le temps passe et les lieux changent. Nous quatre, ce n’est ni un moment ni un lieu. Nous quatre, c’est partout. »
L’adage veut que les blagues les plus courtes soient toujours les meilleures … se pourrait-il qu’il en soit de même pour les sagas ? Je suis une grande amoureuse des longues sagas à rallonge, mais cela ne m’empêche pas, parfois, de trouver que certaines sagas trainent inutilement en longueur. Cela me coute quelque peu de le dire, mais les aventures des quatre filles et de leur jean magique font parti de ces sagas qui auraient selon moi mérité de compter au moins un tome de moins. J’ai comme le sentiment que l’autrice s’est fixé pour impératif absolu de faire « quatre tomes pour quatre filles » (le « cinquième » opus étant en réalité plutôt un hors-série), mais qu’elle n’avait pas la matière pour remplir « intelligemment » ces quatre tomes. Il y a donc un sérieux déséquilibre entre les trois premiers volumes, que je n’hésite pas à qualifier d’excellents, et cet ultime opus, qui fait bien pâle figure en comparaison. On a l’impression que l’autrice elle-même ne savait absolument pas que faire de ses quatre héroïnes dans ce tome … Et résultat, elle en a fait n’importe quoi. Je comprends désormais mieux pourquoi je ne me souvenais absolument pas de cet opus : il dénote tellement par rapport au reste que mon cerveau a visiblement décrété qu’il ne faisait point partie de la même série. L’histoire aurait pu, aurait dû, s’achever très harmonieusement à la fin du troisième opus, alors que les quatre filles s’apprêtaient à rentrer à l’université … Pas la peine d’ajouter si artificiellement un quatrième été.
Car pour Carmen, Tibby, Bridget et Lena, l’été est désormais comme le reste de l’année : elles sont séparées. Chacune a ses propres projets pour les vacances. Toujours plus décidée à améliorer toujours plus sa technique, Lena reste dans sa prestigieuse école d’art pour suivre des ateliers de dessin : elle espère qu’en occupant ainsi son corps et son esprit, elle parviendra à tirer définitivement un trait sur Kostos. Peut-être que Léo, si talentueux et si attirant, l’aidera à tourner une bonne fois pour toutes la page … Bridget, quant à elle, s’envole pour la Turquie afin de participer à un chantier de fouilles archéologiques. Elle va découvrir que contrairement à ce qu’elle imaginait, l’adage « loin des yeux, loin du cœur » ne s’applique pas à elle, et qu’elle aime bien plus Eric qu’elle ne pouvait le penser … Tibby reste au campus pour tenter d’avancer dans l’écriture de son scénario. Mais parviendra-t-elle véritablement à écrire une histoire d’amour alors qu’elle semble totalement incapable de profiter vraiment de l’amour inconditionnel que lui offre Brian ? Et si la véritable histoire d’amour tragique de son été n’était pas celle qu’elle s’efforce d’écrire, mais celle qu’elle est en train de vivre ? Carmen, elle, n’est plus que l’ombre d’elle-même : alors que ses deux parents s’accordent pour affirmer qu’elle a toujours eu un sacré sens théâtral, elle reste obstinément dans l’ombre des coulisses à agrafer des décors et retaper des accessoires. Mais peut-être est-pour elle l’heure de briller à nouveau sous les feux des projecteurs, quoi que puisse en penser sa « nouvelle amie » Julia …
Pour être parfaitement honnête, j’ai beau me creuser la tête, je ne sais absolument pas quoi dire sur cet opus. D’un côté, j’étais bien évidemment heureuse de retrouver une fois de plus nos quatre filles, auxquelles je me suis irrésistiblement attachée au fil des tomes … mais de l’autre, c’est comme si la magie s’était soudainement brisée, comme s’il manquait ce petit quelque chose indéfinissable qui rendait cette saga absolument unique. A l’instar de nos quatre filles, ou plutôt de nos quatre jeunes femmes, désormais, je n’ai pas mis bien longtemps avant de me rendre à l’évidence : cet été n’a absolument rien à voir avec les précédents. Sans doute parce que, désormais, pour elles, ce n’est plus une nouveauté d’être séparées, éloignées les unes des autres : c’est maintenant leur normalité, leur quotidien, leur lot commun. Comme le disait mon arrière-grand-mère, « l’habitude rend la chose facile » : ce n’est désormais plus un déchirement de passer l’été chacune de leur côté, puisque c’est ce qu’elles font déjà toute l’année. Deux mois de plus, deux mois de moins, ça ne fait plus la moindre différence. Et ce qui m’a chagrinée, ce n’est pas tant le fait qu’elles soient à nouveau séparées, mais c’est très probablement qu’elles soient passées d’une belle amitié à la limite du fusionnel à … une sorte d’indifférence teintée de résignation. En trop peu de temps pour que ça fasse naturel. A trop forcer le trait, à trop vouloir montrer qu’elles ont appris à vivre indépendamment les unes des autres, l’autrice a esquissé une sorte de caricature absolument absurde de ses quatre héroïnes. Au point que, parfois, j’ai eu le sentiment de rencontrer de parfaites inconnues et non pas de retrouver les quatre filles des étés précédents. Les quatre filles au jean.
Prenons Bridget, par exemple. Bridget qui, je vous le rappelle, est une forcenée de sport et plus particulièrement de foot. Qui ne sait pas rester concentrée plus de deux secondes, en bonne petite Bee l’abeille hyperactive qu’elle est : elle virevolte, butine, volette, infatigable. Et là voici qui se retrouve, on ne sait pas trop bien comment, au beau milieu d’un chantier de fouilles archéologiques, à dépoussiérer fort patiemment et fort délicatement son minuscule petit bout de terre à la recherche d’aussi minuscules petits bouts d’argile. Le contraste est bien trop gros : la vraie Bridget a probablement été enlevée par des extraterrestres et l’autrice l’a remplacée par un clone bugué, c’est la seule explication probable. Même constat pour Carmen : à ma connaissance, elle n’avait jamais montré le moindre soupçon d’intérêt pour le théâtre et les arts dramatiques, alors comment a-t-elle atterri dans ce festival, exactement ? Et je veux bien admettre que l’entrée à l’université, ça « change une vie », mais au point de transformer Carmenita la solaire, Carmenita l’impulsive, en petite souris de l’ombre qui grappille avidement le moindre petit bout de fromage, le moindre petit sourire et compliment d’une illustre inconnue, j’ai du mal à y croire. Carmen est peut-être en manque constant d’amour et d’attention, mais sauf si elle a subit une lobotomie entre les deux tomes, elle n’est quand même pas stupide au point de devenir un petit toutou sans le moindre sens critique : la vraie Carmen ne serait pas tombée aussi profondément dans le piège de Julia, elle n’aurait pas gobé aussi bêtement ses faux-semblants.
Et comme si cela ne lui suffisait pas de dénaturer complétement la personnalité de ses héroïnes, voici que l’autrice sombre dans le pire travers des romans pour adolescents qu’elle avait pourtant très bien évité jusqu’à présent : les amourettes niaises. D’un côté nous avons Lena qui passe ses journées entières à se lamenter parce que Kostos lui a brisé le cœur, qu’elle veut à tout prix l’oublier, mais qu’elle l’aime encore, et que Léo est absolument sublime, que mince elle n’a pas pensé à Kostos une journée et qu’elle commence à l’oublier, que Léo est talentueux au possible … et qui passe de « petite vierge grecque prude et effarouchée » à « jeune femme totalement décomplexée qui pose nue devant un illustre inconnu et qui se jette sur lui pour l’embrasser à pleine bouche ». De l’autre nous avons Tibby qui, suite à une frayeur que je reconnais compréhensible à son âge, décrète soudainement qu’elle ne veut plus de l’amour fidèle et inconditionnel de ce brave Brian, qui lui jette des horreurs à la figure et qui va même jusqu’à affirmer à Effie qu’elle n’en a absolument plus rien à faire de lui, mais qui deux minutes après se lamentent parce qu’elle a laissé filé l’amour de sa vie et qu’elle est jalouse d’Effie qui a saisi sa chance et qui n’hésite pas à mettre une de ses meilleures amies en porte à faux vis-à-vis de sa propre sœur. Sans oublier Bridget qui ne cesse de rappeler à qui veut bien l’entendre qu’elle est désormais « une fille avec un petite amie » mais qui ne met pas deux secondes avant de loucher sur un nouveau mec tout aussi inaccessible que l’était Eric quelques années plus tôt, mais qui ose encore prétendre qu’elle a appris de ses erreurs en ayant eu le cœur brisé … Que du mélodrame, et parmi les plus insupportables en plus !
En bref, vous l’aurez bien compris, même si cela me coute de l’admettre car c’est vraiment une saga qui compte beaucoup pour moi … ce tome n’est clairement pas à la hauteur des précédents et m’a plus déçue qu’autre chose. C’est un peu comme quand on a plus assez de peinture pour terminer la toile : on étire, on étale tant et si bien que dans les derniers traits, la couleur est toute pâlichonne, toute fade, toute délavée. A vouloir faire trainer l’histoire en longueur pour remplir coute que coute un quatrième opus, l’autrice n’a fait qu’affadir l’intrigue, que délaver la personnalité même de ses personnages. Les filles ayant grandi et muri, la logique aurait voulu que l’histoire gagne en profondeur, mais c’est vraiment tout le contraire qui s’est produit : alors que les tomes précédents abordaient des thématiques sérieuses et réfléchies, nous sombrons ici dans la superficialité et la frivolité les plus niaises qui soient. Tout ce qui avait été acquis auparavant semble balayé d’un revers négligeant de la main : régressons donc allégrement pour mieux combler le vide, pour remplir page après page d’atermoiements grandiloquents et dignes des plus grandes tragédies grecques ! Ce que j’aime dans cette saga, c’est certes cette légèreté très estivale, cette douce amitié qui permet aux quatre filles de surmonter toutes les épreuves, mais c’est également les moments plus tristes, plus douloureux, les moments qui tirent les larmes aux yeux, qui serrent la gorge. C’est en somme l’équilibre dont ce tome est totalement dénué : tout au plus ici, on se dit qu’il « vaut mieux en rire qu’en pleurer », même si ça m’a plutôt attristé de voir le carnage, les filles valent et méritent mieux que cela. Heureusement, il me semble que le « tome suivant » rattrape le coup !