Une société totalitaire aux frontières closes, bordée par un fleuve. Sur l’autre rive subsistent les vestiges d’une communauté de résistantes inspirée des Guérillères de Monique Wittig. Dans la capitale du territoire fermé, divers personnages se racontent, leurs aspirations, leurs souvenirs, comment survivre, se cacher et se faufiler dans un monde où les livres sont interdits.
Pourquoi ce livre ? Je ne connaissais pas son existence avant sa nomination au Prix Livraddict catégorie SF mais les commentaires sur sa fiche et le résumé m’ont grandement donné l’envie de tester.
Viendra le temps du feu est une lecture exigeante. Présenté comme un roman choral, on suit divers personnages, issus de divers milieux avec des expériences passées et présentes différentes, avec des aspirations somme toutes identiques. A travers leur regard et leur vie, ils vont nous dépeindre une dystopie affreuse, où les livres et la libre-pensance ont disparu pour de la propagande étatique. Le couvre-feu est instauré, l’argent a disparu au “profit” de tickets de ration dont le montant est défini selon l’apport de chaque individu à la société, surtout par le travail. Bref, une vie de rêve me direz-vous, un croisement entre Fahrenheit 451 de Ray Bradbury et 1984 de George Orwell. Le souci, c’est que l’intrigue ne recèle aucune originalité de fond. On découvre progressivement d’où les personnages partent et vers quoi ils se dirigent mais le tout avec un détachement qui sied mal à l’objectif de cette lecture : s’impliquer dans la critique de cette société. Couplé au manque d’originalité et de surprise, j’ai le sentiment que tout retombe comme un soufflet.
Comme je le disais c’est un roman choral. Heureusement pour nous, l’autrice prend le temps d’introduire les personnages au fur et à mesure de notre lecture, c’est-à-dire que les personnages n’apparaissent pas tous en même temps, elle les introduit un par un, à différents moments du livre, le temps qu’on se familiarise avec chacun d’eux. Si c’est une bonne idée pour savoir qui est qui, je reconnais que je suis mauvaise élève car la différenciation entre certains personnages, notamment Eve, Grace et Louve, fut trop nébuleuse pour moi. De fait je n’étais pas mécontente de voir par leurs yeux mais mon malaise face à ce qui est qui a réduit à néant le plaisir de les suivre. Je me suis uniquement attachée à Louise et Raphaël. La première parce que c’est celle qu’on suit le plus et dont on perçoit le mieux sa situation : celle du soutien sans faille pour cet homme qui lui sert de paire. Le second parce que c’est le seul homme que l’on suit et qu’il s’adresse à sa mère pour exprimer ses pensées, son opinion politique. Je trouvais ça rafraîchissant.
L’une des forces de ce roman, c’est sa plume poétique à souhait. A travers les mots qui roulent sur la langue, on perçoit tout l’amour de l’autrice pour la langue française, même avec des mots issus de la langue morte. Et pourtant je note là encore un certain bémol. Pour un roman choral où les personnages proviennent et vivent dans des milieux différents, modestes pour l’ensemble, le style est trop relevé. Pour la plupart des personnages, on a un point de vue interne, impliquant l’emploi de la première personne du singulier. Leur niveau de langage est alors trop soutenu pour ce qu’ils incarnent, pour rendre le texte vivant. Ca n’a pas non plus facilité mon attachement ou mon empathie envers eux d’ailleurs car cela dresse une certaine barrière entre eux et le lecteur. C’est donc très joli à lire mais ça manque de cohérence par rapport au contenu. D’ailleurs je déplore également que le style n’évolue pas en fonction des personnages, accroissant la difficulté à les identifier.
J’attendais beaucoup de cette lecture, étant donné sa note et ses commentaires sur sa fiche Livraddict, je ressors déçue - et j’ai l’impression que c’est récurrent en ce moment ! Oui, la dystopie décrite dans cette œuvre fait froid dans le dos et je n’ai qu’une envie, celle que ça ne se produise jamais… Mais l’ensemble manque d’originalité et de surprise. Les personnages sont difficiles à différencier, par leur situation, par ce qu’ils évoquent et par la façon dont ils communiquent, tous adoptent ce style relevé qui ne correspond pas à leur milieu social modeste. J’ai pris plaisir à les suivre dans leur quotidien, leurs envies, leur souffrance, mais j’espérais quelque chose de plus puissant.
13/20