Calista, aujourd’hui mariée et musicienne de films se souvient de ses jeunes années, vers 1977. A l’époque, l’étudiante Grecque quitte Athènes pour des vacances sac au dos aux Etats-Unis. Un périple de trois semaines qui l’amène à Los Angeles où elle fait connaissance avec une jeune fille de son âge qui se voit inviter à dîner par un ami de son père et qui l’embarque avec elle. La soirée se déroule dans un restaurant couru de la ville et l’invitant n’est autre que Billy Wilder avec son épouse et son scénariste attitré. A ce moment, Calista ne sait absolument pas qui est cet homme…
Pour les jeunes lecteurs ou bien nos amis Aliens fraichement débarqués sur Terre, sachez que Billy Wilder (1906-2002), est un réalisateur, producteur et scénariste américain de films noirs et de comédies. Il est l'une des figures les plus importantes du cinéma américain du XXe siècle réalisateur entre autres petites merveilles de Boulevard du crépuscule avec William Holden et Gloria Swanson (1950), Certains l'aiment chaud avec Marylin Monroe (1959), La Garçonnière avec Jack Lemmon (1960) etc. Je referme la parenthèse.
La soirée va s’avérer cruciale pour Calista puisqu’elle va se retrouver interprète pour l’équipe de tournage du réalisateur lors des séquences du film en cours, Fedora (Il s'agit de l'avant-dernier film de Wilder, réalisé en 1978) qui se déroulent à Corfou.
Le roman s’appuie sur deux destins qui se croisent. Billy Wilder n’est plus bankable pour les studios de Hollywood, il sait que son temps est fini, désormais les réalisateurs qui montent se nomment Coppola, Spielberg. A l’opposé de ce crépuscule, Calista, la jeune fille ignare de ce monde va progresser et se frayer un chemin comme musicienne de films et le récit se fait initiatique. La jeunette, officiellement traductrice, devient la confidente de Mr Wilder et parallèlement de son scénariste, une tendre amitié complice les lie.
Jonathan Coe a été critique de cinéma pour la presse britannique, il connait son sujet et son roman se base sur des sources sûres (citées en fin d’ouvrage). Quelques piques sur le cinéma pimentent gentiment le récit, bien que mises dans la bouche de Wilder, elles doivent certainement avoir un écho favorable dans l’esprit de l’écrivain : regret de voir le cinéma privilégier désormais les effets spéciaux aux rapports humains, « il a opté pour tout ce cirque à vous faire lâcher votre pop-corn, avec les moments criques, les effets chocs. Plus proche de l’attraction foraine que du drame, de l’intrigue. », ou encore quand le même déplore que le cinéma ne soit plus qu’un business, une machine à fric pour Hollywood.
Calista, comme le lecteur, croise avec plaisir des acteurs célèbres, Al Pacino et son amie de l’époque Marthe Keller, William Holden, Henry Fonda… le bon vieux temps des cinéphiles.
Le roman n’est pas parfait, loin de là, la séquence sur l’Holocauste m’a semblé incongrue, surtout par sa longueur, même si elle s’explique par les origines de Billy Wilder. Le bouquin reste donc très agréable à lire mais surtout, vous me voyez venir, il donne furieusement envie de revoir ces sacrément bons films. Allez, Madame ARTE, un bon geste…
« Quant au dîner ce soir-là, qu’est-ce que ça avait de si terrible, une soirée avec des inconnus et un bon gros steak dans mon assiette pour compenser ces quelques jours de malbouffe ? Bien sûr, si j’avais su que ce repas allait marquer dans ma vie un changement de cap majeur, j’aurais certainement vu les choses autrement, mais je n’en avais pas la moindre idée et, en attendant, tout ce que j’avais à faire c’était rester allongée sur la plage avec ma nouvelle amie à mes côtés… »
Traduit de l’anglais par Marguerite Capelle