Vous le savez bien, Gotham n'est pas la ville lumière par excellence. C'est plutôt le royaume de l'obscurité, de la noirceur, de la nuit permanente. Du reste, on a rarement vu Batman se balader dans la rue et faire ses courses dans son costume de chauve-souris, en plein après-midi, au supermarché du coin. Mais là, c'est encore pire que d'habitude. Au départ il y a un super criminel du nom de EMP; ses pouvoirs sont basés sur les champs magnétiques et toutes les formes d'énergie, qu'il parvient à aspirer jusqu'à atteindre une forme d'overdose, qui le contraint alors à libérer des forces terribles. Le type a autrefois était le responsable d'un véritable drame dans la ville et depuis il accepte de purger sa peine, en se considérant lui-même comme coupable d'exactions pour lesquelles il n'existe pas de pardon possible. Seulement voilà, l'heure est venue de le transférer de l'asile d'Arkham, où il était pour l'instant interné, à la prison sous haute sécurité de Blackgate, là d'où a priori personne ne peut s'évader. Le problème, c'est le trajet… il faut un transport spécifique pour que EMP ne puisse pas libérer ses énergies et il faut également tenir compte du fait que dehors, de nombreux gangs à l'attendent au virage, entre ses anciens hommes de main et ceux qui ont décidé de se venger et de le liquider à la première occasion. Au milieu de tout cela, nous trouvons Batman qui est censé veiller sur le véhicule blindé et s'assurer que le détenu rejoigne bien sa nouvelle cellule. Je pense que vous avez tout de suite compris que les choses ne vont pas se passer comme prévu, et qu'à un moment donné EMP va se retrouver dans la nature! Cela dit, tout ne va pas exactement se déroulait comme on pourrait l'imaginer.
Le scénario de cet album n'est pas forcément des plus élaborés, il faut bien l'admettre. Il s'agit d'une course poursuite à travers la ville, avec un Batman qui doit veiller sur un détenu en piteux état, qui pour une fois n'essaie pas de se faire la malle tout seul, mais qui par contre est l'objet des convoitises de tout un tas de malfrats. Tout ceci risque de mal finir et si en temps normal Batman n'aurait aucun problème à se débarrasser de chacun des assaillants en conservant une main dans le dos, c'est beaucoup plus difficile lorsque le nombre devient écrasant et que chaque carrefour recèle un guet-apens mortel. Une course contre la montre s'engage alors dans la ville, en pleine nuit, dont l'objectif est simple : amener EMP à Blackgate avant le lever du jour et sans qu'il libère des énergies à l'effet dramatique sur la ville. Sauf que assez rapidement, la situation dérape… Jock est à la fois le scénariste et le dessinateur de cet ouvrage; pour ce qui est du dessin, il n'y a rien à redire car vous le savez, c'est un artiste extraordinaire, qui a une maîtrise de l'obscurité, du noir et ses déclinaisons, des ombres et des formes qu'elles peuvent dessiner, absolument remarquable. J'en fais même personnellement un de mes dix ou quinze artistes favoris, pour ce qui est du circuit contemporain, c'est vous dire. Il est ici en très grande forme et certaines de ses planches sont véritablement splendides. On est totalement en immersion dans cette nuit qui n'en finit pas, traversée et déchirée par des explosions, des coups de feu, des intuitions graphiques remarquables. Côté scénario, Jock s'en tire car il parvient à glisser quelques éléments disparates, comme une conspiration pénitentiaire, une histoire familiale, bref il crédibilise un récit des plus simplistes par petites touches, ce qui au final le rend beaucoup plus attachant. L'album regroupe en fait trois épisodes, trois grandes parties publiées séparément aux États-Unis, sur le Black Label de DC Comics, ce qui explique le format un peu hors norme mais particulièrement adapté au talent de l'artiste. On y retrouve un Batman à mi-chemin entre le Frank Miller de Sin City et l'inventivité graphique d'un Sienkiewicz. C'est particulièrement beau, ça se lit assez vite, bref un petit plaisir (presque) coupable qu'on peut vous recommander sans la moindre hésitation.