Nous nous aimions offre l'occasion de découvrir l'histoire de la région géorgienne d'Abkhazie (qui rappelle étrangement l'annexion russe des régions ukrainiennes du Donbass et de Crimée) au travers de l'itinéraire d'une danseuse Daredjane et de la période de vacances estivales avec ses filles.
Nous nous aimions reprend les thèmes phares de Kéthévane Davrichewy notamment dans La mer noire: l'exil et l'identité, l'intégration et l'inclusion, la double culture avec en toile de fond l'évolution du couple formé par la native Daredjane et l'assimilé Tamaz (au prénom masculin déjà mobilisé dans La mer noire), et la sororité (celle de Kessané et de Tina). Nous nous aimions est un écrit riche des anecdotes qu'il dresse avec humanité, des petits secrets familiaux, des scènes tantôt poétiques (les paysages d'Abkhazie avant la guerre fratricide), tantôt épiques, tantôt violentes (le passage à la douane russe, les combats). Kéthévane Davrichewy présente différents points de vue et de vie (ceux de Daredjane et de sa fille Kessané) montrant ainsi que la vérité est multiple et complexe. À l'instar de La mer noireet Les séparées, Nous nous aimions offre un chouette moment de lecture, à la fois instructif et très bien construit : les personnages sont parfaitement campés ; les scènes sont bien articulées avec des paysages suffisamment explicites ; l'écriture est fluide, ronde et jolie. Grâce à cet écrit, l'autrice gagne en dimension narrative en creusant à la fois les caractères et la réflexion géopolitique et romanesque, avec la grâce et la tendresse qui la caractérisent, tout en conservant un petit côté fleur bleue qui avait déjà hanté les deux romans précités.
Éditions Sabine Wespieser
De la même autrice : La mer noire Les séparées