Août 1944, dans la région de Saint-Brieuc. L’armée américaine en termine avec la libération de la Bretagne où ne subsistent que quelques îlots de résistance allemande. Louis Guilloux est enrôlé par les libérateurs pour servir d’interprète à l’armée lors des procès en Cour martiale jugeant des G.I. coupables de crimes contre des civils Français (viols, meurtres…). Durant plusieurs semaines il suit la troupe. Ce récit, l’écrivain mettra trente ans avant de l’écrire et il ne paraîtra qu’en 1976.
Plantons le décor : A l’ouest, on entend parfois encore le canon, le tonnerre de Brest ; partout ailleurs les gens effacent toutes les traces de l’occupant, on brûle et déchire les affiches de propagande, on tond les femmes qui ont fauté avec l’ennemi, on entre en force chez ceux qui qui ont fricoté avec les mêmes… Louis, qui travaille à la mairie, se voit proposer une place rétribuée d’interprète par les Américains pour traduire en anglais les dépositions des victimes et des témoins des agressions.
Ce qui frappe immédiatement le lecteur, c’est la gentillesse du ton et du récit. Pourtant, si la guerre est presque terminée, il reste des poches de résistance, l’après-guerre n’est pas tendre pour les collabos ou supposés, et le job d’interprète le met en première ligne face à des victimes et des bourreaux. Louis Guilloux déroule néanmoins son récit presque tendrement et les Américains sont tous extrêmement sympathiques et adorables avec lui ; ils forment une petite équipe, Bob Stone et Will Bradford jouent les enquêteurs et avocats, Louis traduit, et Joe le taxi (!) conduit tout ce petit monde à travers le pays dans sa Jeep. Louis Guilloux est choyé par les uns et les autres, nourri copieusement, après les privations ça le change.
Par contre, tous ces Américains fraichement débarqués s’étonnent régulièrement et interrogent Louis, « Combien de partis politiques avez-vous en France ? » quand eux, n’en ont que deux ! De son côté, l’écrivain ne comprend pas pourquoi tous les accusés sont Noirs ? Une question qui restera sans réponse, car bien que ce soit la vérité, la relation des évènements prouvent qu’ils sont bien réellement coupables…