Auteur : Cassandra O'Donnell
Éditions : Éditions Poulpe Fictions
Paru le : 06 Octobre 2022
272 pages
Thème : Jeunesse
disponible sur le site de l'éditeur
et sur Amazon
J'ai adoré !
Résumé
« Nouvelle ville, nouvelle maison. Fraîchement débarquée à Montréal avec sa mère et son frère jumeau Nicky, Juliette appréhende la rentrée. Car à quinze ans, la jeune fille excelle en tout... sauf quand il s'agit de nouer des amitiés. Mais entre Timothé, le garçon qui parvient enfin à briser sa carapace, et l'insupportable Kei, la coqueluche de l'école qui s'est mis en tête d'attirer son attention, le coeur de Juliette se réchauffe peu à peu... » Ma chronique
Je remercie Cassandra pour m'avoir proposé de découvrir cette histoire jeunesse et la maison d'éditions Poulpe Fictions pour l'envoi. Je dois avoir lu quasiment tous les livres de l'auteur (juste la fin de Rebecca que je n'ai pas encore eu le temps de mettre le nez dans les derniers) et je n'ai jamais été déçue. Cette histoire s'adresse essentiellement aux adolescents, mais qu'à cela ne tienne, je lis même du "plus petits" et je dois avouer que j'ai adoré ce récit. La couverture change de celles que nous voyons habituellement, faisant penser à un manga et c'est vraiment pas mal. Une couverture quasi rigide et des illustrations tout le long de l'histoire qui nous apporte à la fois de l'humour et les descriptions des personnages en plus de l'écriture.
Juliette et Nicky son jumeau, 15 ans et un haut potentiel qui les a fait passer une classe (parce qu'ils n'ont pas eu le choix) ont déménagé en plein Montréal avec leur mère. Le travail de cette dernière les a poussé un peu plus loin, et le décès de son mari, donc de leur père, n'est pas anodin. Il a laissé un vide affreux pour ces trois personnages qui ont du mal à remonter la pente. Nouvelle ville, nouveau lycée, Juliette et Nicky doivent s'acclimater vite. Ils sont très doués, surtout Juliette en sport, mais les études sont comme qui dirait sacrées. Leur mère travaille énormément et est souvent absente, pour autant ils s'entraident tous autant qu'ils sont et n'hésitent pas à donner un coup de main, à s'écouter, à se parler. Une nouvelle vie leur a ouvert les bras et pour cela il va falloir faire pas mal de concessions dont une qui est importante : réussir à comprendre le langage et les expressions qu'ils ne connaissent absolument pas. J'en parle de suite, j'ai adoré la façon dont l'auteur intègre le vocabulaire en l’expliquant le plus simplement du monde (soit par les pensées de Juliette, soit par leur manière de regarder leur interlocuteur qui explique ce que cela veut dire) C'est top, pas besoin de chercher dans les pages suivantes ou de fouiner dans le bas de page pour comprendre de suite.
Si Juliette est très secrète (et nous suivons le récit de son point de vue, ce qui est dommage de ne pas avoir celui de son frère pour le coup avec tout ce que l'auteur donne comme information), son frère est plus amical, il a beaucoup plus de facilité pour se faire des amis. Le décès de leur père est au cœur de ses préoccupations et il n'est pas difficile de comprendre pourquoi Juliette n'arrive pas à approcher les gens de trop près. Pourtant Tim va réussir à intégrer son espace vital en devenant son meilleur ami et Kei qui a apparemment envie de la trucider. Elle a osé s'assoir à côté de lui en classe, alors que c'est interdit ! My God... Nous avons pas mal de passages qui nous font sourire, rire et surtout nous amuse nous en tant qu'adulte, mais d'autres sont plus empreints de tristesse, de mélancolie. La vie doit continuer, mais pas n'importe comment et pas à n'importe quel prix. Juliette a peur de ce qu'elle pourrait ressentir et se ferme à tout ou presque. Le regard des autres lui porte également sur les nerfs contrairement à son frère qui affiche sa personnalité de manière flagrante et un j'm'en foutisme que j'adore. Les yeux maquillés, les cheveux longs, le vernis qui va avec, Nicky fait forcément parler de lui en bien ou en mal, mais il attire les regards d'une manière ou d'une autre. Il a de sacrées réparties et n'hésite pas à affronter ses "ennemis" avec humour et audace. L'adolescence est déjà difficile, si en plus les gros bras pensent, enfin essayent de penser, pouvoir se moquer des autres à cause de leur différence... J'ai adoré la façon dont Nicky les mouchent et surtout l'aide providentielle inattendue qui débarque. (Le harcèlement ne change pas d'un iota...)
J'avais dis lycée, mais St Augustin est un collège (pas les mêmes termes qu'en France) où l'uniforme est de rigueur, mais les esprits sont étroits, avec de la chance, les profs sont un peu plus ouverts, ouf pour nos deux frère et sœur qui aiment leurs couleurs... Le récit saute de deux mois, puis de trois mois. Il est clair que les suivre journellement n'apporterait rien de plus et nous les voyons évoluer aussi bien chez eux qu'à l'école. À la maison, les deux sont très complices, comme partout ailleurs, mais ils arrivent à parler plus intimement. Le fameux "truc des jumeaux", celui où ils n'ont pas toujours besoin de se parler pour se comprendre et l'envie de protéger l'autre en dehors de leurs murs. Juliette a un ami (waouh, trop bien !) et Nicky, lui c'est différent, limite il a la moitié de l'école comme amis et amies, qu'à cela ne tienne, ils adorent passer du temps ensemble et les midis sont pour tous un moment de partage. Entre Tim et Nicky c'est particulier, un amour pas fou du tout, la sœur entre les deux qui ne voit rien venir et qui tente de faire en sorte qu'ils n'aient pas envie de les voir se taper dessus. Tous deux sont protecteurs envers elle et c'est drôle de voir les évolutions de ces deux ados qui ne veulent pas laisser leur place auprès de Juliette et bien plus encore. L'amitié entre eux est fragile, mais Tim arrive toujours à trouver une solution et parfois faire l'autruche semble bien fonctionner (jusqu'à ce que le mur s'effrite un peu plus).
Le fameux carnet de Juliette, ou les carnets, est ce qui aide le plus la demoiselle a sortir les mots qu'elle ne pourrait pas. Un psy coute cher et depuis le décès de son père, elle a besoin de mettre par écrit ce qu'elle ressent. Même si elle parle avec son frère, elle a des secrets et ce besoin de l'imprimer ne la quitte plus. Dès qu'elle peut, elle note ce qui lui passe par la tête, comme un vieil ami toujours présent pour elle. Jusqu'à ce qu'elle le perde, qu'elle en utilise un autre et retrouve le premier d'une manière bien particulière. Peut-être est-ce la solution, celle d'arrêter d'écrire et de s'ouvrir à l'extérieur ? La question se pose, mais ne se force pas. Ce qui tourne autour de ce carnet va apporter à la fois des questions et des réponses pour Juliette. Les doutes et la peur seront forcément présent, car cela signifie qu'elle doit faire un pas en avant. Ce pas qui pourrait bien lui faire fondre ces murs qu'elle a érigé depuis si longtemps. C'est un moyen aussi de l'approcher elle, de mettre un coup de pied dans une fourmilière et de virer tout ce qui n'est pas forcément sain : rester dans sa mélancolie et ne pas vouloir s'attacher aux gens. Je trouve que ce carnet est un beau symbole qui va lier les personnages entre eux. L'image que l'on donne de soi n'est pas forcément ce qu'il y a à l'intérieur, des secrets pour tous, des façades qui camouflent. J'ai beaucoup apprécié que Kei ne soit pas dépeint comme l'athlète qui a toutes les filles qui lui court après. Il a la tête sur les épaules, sait déjà ce qu'il veut faire de son avenir et bien plus mûr que certains de ses coéquipiers.
Deux petits points que j'ai relevé qui sont plus du domaine du détail, et je pense que si le lecteur ne lit pas d'une traite comme je l'ai fais ne devrais pas forcément s'en apercevoir, à moins que j'ai mal lu. Le premier est le fait que 2 mois plus tard Juliette indique ne pas connaitre Tim, alors qu'ils ont cours ensemble, mange ensemble le midi, parle avec d'autres, travaillent sur des projets ensemble, j'ai trouvé que c'était étrange. Le second, alors qu'il lui a demandé s'il pouvait l'aider avec les cartons de déménagement, elle devait en parler à sa mère et passés des mois maman apprend uniquement à ce moment qu'elle a un ami Tim ? Mais s'il est venu donner un coup de main, elle ne le saurait pas ? Comme je l'ai dis, juste deux détails que j'ai relevé et qui m'ont paru étranges sur le coup et il faut dire que je l'ai dévoré ce récit. Et pas uniquement grâce au chat Lucifer qui porte très bien son prénom, mdr. C'est la terreur des quartiers et de la maison. N'empêche, il faut l'exorciser tout de même !
Dévoré, c'est bien le mot avec la manière d'aborder les différents thèmes complexes que n'importe quelle personne peut avoir un jour à affronter. Tim est rafraichissant, Kei le taciturne et meilleur joueur de Hockey, Nicky que j'ai adoré (et j'espère qu'il aura un tome avec lui), Juliette qui se camoufle pour ne pas souffrir. Lorsque l'on voit comment leur mère gère sa propre douleur, il est clair que les jumeaux doivent aussi trouver des solutions qui leurs sont propres. Ce n'est pas évident d'avancer en terrain miné et devoir recommencer à zéro fait peur déjà à l'adulte, alors un ado ? Il y a des non-dits, des faux-semblants, le fait de penser ce que l'autre pourrait penser (ça c'est un fait plus qu'avéré dans la réalité) imaginer qui est l'autre sans lui parler, se méfier par peur de s'attacher ? L'auteur nous embarque pleinement dans son récit avec leurs espoirs, leurs angoisses, leurs avancées, les liens qu'ils vont se créer. Et puis nous avons un peu plus que cela, le passé de l'un peut être en commun sans le savoir avec un autre. Des points communs douloureux qui a deux peuvent être un peu moins forts. La compréhension de l'autre, le respect et surtout le fait de voir, d'ôter ses œillères et de comprendre que tout ce que nous avions cru n'existe pas, que la réalité est tout autre. Savoir donner une chance avant de piquer et de regretter par la suite. Les personnages sont touchants et amusants. Réussir à se faire une place en longeant les murs c'est tout un art que Juliette n'arrive absolument pas. Tout est chamboulé pour nos jumeaux, mais aussi pour ceux qui se connaissent déjà et vont découvrir que la vie n'est pas forcément noire uniquement pour eux.
En conclusion, un livre qui est vraiment très intéressant sur de nombreux points : le fait de s'acclimater à un nouvel environnement lors d'un déménagement et tout ce que cela comporte (langage, nouveaux amis, réapprendre à vivre autrement). Également en pleine adolescence avec le regard des autres, la peur de ne pas être comme tout le monde, l'envie de se démarquer. Alors en rajoutant le deuil sous diverses formes et le déménagement, les thèmes sont divers et variés et peuvent toucher tout le monde. L'amitié est un point important, celui d'en vouloir toujours plus, celui de ne pas savoir comment faire, celui de laisser approcher de son espace vital. Et bien entendu la vie intime y est partie intégrante sous la forme de carnet(s), le pardon, l'acceptation, le fait de ne pas savoir de quoi sera fait l'avenir, mais qu'importe : il faut savoir vivre le moment présent, même s'il ne dure pas. En d'autres termes, c'est un livre qui peut être lu à partir de 11 ans et sans maximum d'âge, aucun souci !
Extrait choisi :
« Oh, bien sûr, en contrepartie, elle vous fait murir, changer... et surtout, surtout, elle vous apprend à vous protéger d'elle et à fuir tout ce qui pourrait vous blesser. Pas besoin de consulter un psy pour savoir que c'est à cause de ça que je repousse tout le monde, que je me renferme et que je ne veux surtout pas m'attacher. Sans attachement, il n'y a pas de souffrance. Pas de perte. Pas de déceptions. On ne vous donne rien, mais vous n'avez rien à donner en retour. On ne peut pas avoir mal. Malheureusement, ça ne se passe pas toujours comme on veut. Parfois les choses vous échappent et on ne maîtrise plus rien. Comme maintenant. Et je suis tellement peu préparée à ça, tellement peu préparée à ressentir de que je ressens, que je me sens complètement perdue. »