Ricardo Menéndez Salmón, né en 1971 à Gijón, dans la province d'Asturies en Espagne, est un romancier, essayiste, traducteur et journaliste espagnol. Licencié en philosophie, il a été chroniqueur du journal El Comercio et critique littéraire dans le supplément culturel du quotidien ABC. Actuellement, il collabore à divers journaux espagnols. Une œuvre romanesque assez importante lui a valu une quarantaine de prix littéraires. Horde, son nouveau roman, vient de paraître.
Le monde est désormais aux mains des enfants qui tous se ressemblent physiquement. Exaspérés par l’usage déformé des mots par les adultes qui rendent les paroles mensongères ou à double sens, ils ont pris le pouvoir et interdit le langage. Le monde n’est plus que silence sous le contrôle de Magma « un inépuisable pourvoyeur de stimuli » visuels, diffusant des images partout et tout le temps en continu et le thésaurus qui sonde les esprits et donne la mort immédiatement à ceux qui contreviennent à la loi. La parole est bannie, les livres ont disparu, les hommes ont perdu l’usage du langage. Un homme, un certain « IL », va découvrir incidemment par le biais d’une femme aperçue lisant un livre et riant qu’un monde oublié existait avant et qu’il est peut-être possible d’y revenir si l’on en a le courage et la volonté… ?
Un très court roman, costaud mais très intéressant.
Cette dystopie nous montre une société sous l’éteignoir d’une dictature. Des gamins tellement identiques qu’on les imagine clonés, défilant en rangs parfaits diffusant la peur, associés à des images de mains levées, de sinistre mémoire.
Revenons à la base du roman. Si cette société en est arrivée là, c’est parce que les mots ont perdu leur sens initial. Les gens les utilisaient à tort et à travers rendant les discours inintelligibles ou vidés de leur sens véritable. N’est-ce pas déjà en partie le cas dans notre monde ? Quand les Républicains américains voient les Démocrates comme des « communistes » ? Quand certains opposants ou certains Gilets jaunes crient à la dictature en France ? Deux exemples parmi mille qui polluent débats et discussions. Perdre les mots, c’est perdre le langage et la parole.
Et quand « IL » gardien de singes, les libère et commencera une quête rédemptrice en compagnie de l’un d’eux, nous aurons un couple étrange, d’un côté celui qui a régressé en oubliant le langage, de l’autre celui du quasi homme, qui n’a pas encore (?) atteint le stade oral élaboré.
Intéressant, non ?