Charles Plymell, né en 1935 à Holcomb au Kansas, est un écrivain, poète et éditeur. Il a travaillé sur des pipelines, chevauché des taureaux sauvages dans des rodéos, été dynamiteur de montagne et cueilleur de houblon etc. Lorsqu’il s’installe en 1962 à San Francisco, au carrefour entre Haight et Ashbury, son appartement devient un lieu de passage obligé de la contre-culture naissante. Très vite, Neal Cassady et Allen Ginsberg viennent habiter chez lui. Infatigable animateur du mouvement Beat, Charles Plymell publie des dizaines de revues underground et c’est lui qui découvre Robert Crumb. Publié en 1971 aux Etats-Unis, Le Dernier des mocassins vient d’être traduit.
Dans la série « Je lis pour vous les livres que vous n’ouvrirez jamais », voici un récit autobiographique, imprégné pour ne pas dire complètement imbibé des fondamentaux du mouvement Beat dont Jack Kerouac fut le plus illustre de leurs leaders.
On peut dire que globalement, le livre est en deux parties. La première remonte aux premières années de jeunesse du narrateur dans le Kansas. La ferme familiale, son père ancien routier ayant sillonné tout le pays, sa mère participant à un spectacle de cascades auto et sa sœur ainée à la vie agitée, plusieurs mariages, prostitution, alcool… qui décèdera. Le jeune homme aime les voitures, va de villes en villes, d’un bout à l’autre du pays et jusqu’au Mexique. Cette première moitié du l’ouvrage est assez pénible à lire, terriblement décousue, narrée par un junkie encore sous l’emprise de substances illicites.
Ces errances à travers le continent l’amènent tout naturellement à San Francisco, là où tout se passe pour la Beat Generation. Le récit devient plus lisible et relativement plus cohérent, plus intéressant aussi. Il nous replonge dans cette époque si riche, cette explosions de libertés d’abord, d’exagérations ensuite. Qui connait la ville en retrouve la géographie urbaine, le Tenderloin, le carrefour Haight-Ashbury…, la faune excentrique de drogués, de filles à moitié nues, de sexe débridé ; les noms connus entrent en scène, Lawrence Ferlinghetti, Allen Ginsberg, Neal Cassady… J’ai dit que c’était plus lisible mais on reste dans les vapeurs éthérées ou hallucinogènes, les interrogations existentielles taraudent les uns et les autres, la vie, la mort (« La mort veut la vie. La vie veut-elle la mort ? »), le sexe, pourquoi ci, pourquoi ça.
La fin du texte est très réussie, l’auteur constate qu’une époque s’achève, celle des beatniks, remplacée par celle des hippies, et qu’il lui faudra ou s’adapter ou disparaitre, « La plupart des poètes que je connaissais ont pris le train en marche, car ils se voyaient obliger d’aimer la nouvelle génération. »
Je ne vais pas tenter de vous vendre ce livre, il ne conviendra qu’aux gens de mon âge qui y retrouveront une partie de leur jeunesse et d’une époque heureuse pour eux.