Derry et ses environs en 1986. Patrick Jackson, trente ans, célibataire, se meurt d’un cancer dans un hôpital et n’a plus que ses souvenirs pour le rattacher à la vie. Il se souvient d’un évènement tragique survenu il y a huit ans, le corps d’une fillette avait été retrouvé sur une plage non loin de chez lui. Quelques visites, sa sœur Margaret, son beau-frère Robert qu’il ne peut pas encadrer ou sa mère Sarah, une femme rude et dure.
Patrick n’est pas commode, caustique avec les infirmières, passant « de l’aigreur à l’autodénigrement en un instant, pour mieux maintenir les gens dans le malaise, la confusion » et ce n’est guère mieux avec ses proches ; passe encore avec Robert, mais sa mère, sa sœur, on comprend immédiatement que la communication familiale n’a jamais été au mieux et que Sarah en porte la responsabilité, « Elle y avait veillé. »
Les « conversations » raniment les souvenirs, des bizarreries intriguent très vite le lecteur. Enfants, Patrick et Margaret vivaient chez leurs parents en compagnie d’une certaine Cassie sans qu’on sache qui elle était, de courtes phrases distillées par l’écrivain accentuent ce malaise, « ce qui était sûr, c’est qu’elle n’en avait jamais dit long à ses enfants sur son passé ».
Neil Hegarty mêle les époques, le présent avec Patrick dans son lit d’hôpital, hier avec le cadavre de la petite, les années de Guerre durant la jeunesse de Sarah la mère… Le conflit Irlandais, manifestations et attentats, surgit parfois au détour d’une phrase et embrouille gentiment la narration qui joue aussi avec les ellipses. Le lecteur tente d’y voir clair, l’ambiance est pesante, un brin mystérieuse car on commence à deviner qu’un ou plusieurs lourds secrets vont débouler d’un moment à un autre ; c’est crispant tant l’écrivain aime faire trainer avant de donner des bribes d’explications à des situations qu’on souhaiterait plus claires, usant d’un style chiadé, un tantinet tarabiscoté.
Quand elles viendront, la dureté du roman explosera au grand jour. Une famille éclatée dans un pays qui ne l’est pas moins, les secrets de famille, ailleurs on parlerait d’omerta.
Pas mal du tout.