Sarah Barry est la mère comblée de Thomas six ans, et l'épouse fidèle de Pierre, expert en web sécurité. Cadre RH dans une grande entreprise, elle mène une vie de parisienne lambda et possède une maison en Normandie pour s'échapper le temps du week-end à la campagne. En apparence, rien ne cloche. Toutefois, persuadée que sa vie est ailleurs, elle décide de s'accorder une année sabbatique pour écrire un roman. Alors qu'elle dispose enfin du temps nécessaire, le quotidien se révèle être un piége abyssal.
Roman court, prenant, on tourne les pages intrigué par ce qui arrive à cette femme. Des symptômes physiques inquiétants : perte de cheveux, fatigue, maux de tête, de quoi souffre t-elle ? Est-ce la pression du travail qui retombe au début de cette année sabbatique? Sarah s'est promis d'écrire un roman, elle s'accorde un an pour cela mais rien ne vient, alors elle écrit son journal intime que nous découvrons. Anémie handicapante, pertes de sang anormales, on penche pour une maladie, mais de son point de vue tout semble lié à son rôle de femme au foyer qui se doit d'être là, de se plier en quatre pour les membres de sa famille. Le mythe de la mère nourricière est tenace, à son image s'oppose celle de l'enfant qui vampirise, aspire toute l'énergie, toute volonté de faire autre chose. La comparaison avec le vampire est éloquente, Sarah s'enfonce peu à peu dans la dépression, sous le regard presque indifférent de son mari, qui semble jouer un rôle étrange dans tout cela: il observe, commente mais ne fait rien pour l'aider à aller mieux.
De l'amour familial destructeur, de la place de la famille dans la vie d'une femme, de la difficulté d'être soi lorsque la pression familiale impose l'abnégation... Emilie Guillaumin se penche sur un sujet très contemporain et offre un point de vue sans concession sur le couple et sur la maternité. Un style âpre qui nous entraine vers l'inéluctable : on sait dès le départ que Sarah n'est pas heureuse, on dirait qu'elle fait semblant, elle accepte d'avoir un enfant pour satisfaire l'homme dont elle se croit éperdument éprise, mais est-ce à cela que doit ressembler sa vie?
Je n'avais pas encore lu Emilie Guillaumin révélée l'an passé par L'Embuscade, que j'ai désormais envie de découvrir. Sans être un coup de coeur, j'ai apprécié ce roman pour sa thématique, même s'il y avait matière à developper un peu plus le sujet de l'écriture contrariée. La tournure que prend le récit est particulièrement inquiétante, parti pris de l'auteur de nous proposer une fin inattendue et surprenante. Elle apporte un dénouement très factuel à un récit qui jusque là demeurait dans le flou et relatait des impressions presques oniriques. La révélation finale est assez brutale, on ne s'y attend pas et je me dis que ce dénouement aurait pu être différent, mais voilà c'est ainsi !
Je remercie Babélio et les Editions Harper Collins de m'avoir proposé ce livre dans le cadre d'une opération masse critique privilégiée.