Aussi loin que possible
Par Eric PESSAN
Chez L’école des Loisirs (collection Medium +)
Avertissements de contenu : Maltraitance familiale et animale, xénophobie, traitements des immigrés, expulsion, mort, blessures, prostitution forcée, sous-entendus de sévices sexuels, drogues.
Antoine et Tony n’ont rien prémédité, rien comploté. Ce matin-là, ils ont fait la course sur le chemin du collège. Comme ça, pour s’amuser, pour savoir qui des deux courait le plus vite. Mais au bout du parking, ils n’ont pas ralenti, ni rebroussé chemin, ils ont continué à petites foulées, sans se concerter. La cité s’est éloignée et ils ont envoyé balader leurs soucis et leurs sombres pensées. Pour Tony, la hantise de se faire expulser vers l’Ukraine et d’avoir à quitter la France. Pour Antoine, la peur de prendre une nouvelle dérouillée parce que son père a envie de passer ses nerfs sur lui. Depuis ce matin où tout a basculé, ils courent côte à côte, en équipe. Ils se sentent capables de courir pendant des jours, tant qu’il leur restera une once de force. Fatigués mais terriblement vivants.
Rencontré dans Tenir debout dans la nuit , je suis tombé en amour avec la plume simple mais puissante d’Eric Pessan. Il présente des sujets de société sans ménager son lecteur, sachant pertinemment que même s’il écrit de la littérature jeunesse, cela ne sert à rien de rendre son monde contemporain idyllique.
Aussi loin que possible nous narre l’histoire de deux adolescents, Tony et Antoine, qui, en partant au collège, décident de faire la course. Le truc, c’est qu’ils ne s’arrêtent pas. Ce sont deux adolescents comme nous ont l’a été, à défaut que l’un est sur le point de se faire expulser en Ukraine et l’autre se fait battre par son père. Ils sont amis mais tous les deux très pudiques sur ce qu’ils se passent dans leur vie. Ils sont extrêmement touchants et je les trouve très réalistes.
Une fois de plus, Eric Pessan fait un sans fautes avec les thèmes abordés dans son roman. J’ai énormément apprécier lire le fossé entre les informations contre les violences familiales – où les enfants des photos sont criblés de bleus – et le vécu d’Antoine – qui se dit pas concerné car il se prend juste des claques. Cette représentativité fait du bien, surtout dans un ouvrage destiné à des jeunes qui sont peut-être concernés.
J’aurai jamais cru apprécier une lecture où c’est deux cents pages de deux jeunes qui courent. Comme je l’ai déjà mentionné, Aussi loin que possible est un peu plus que cela. C’est une ode à la liberté, au fait de grandir et de faire ses propres choix, de se sortir du joug (autant positif que négatif) parental. En courant, Antoine et Tony grandissent.
La plume d’Eric Pessan leur fait justice. Nous sommes dans la tête d’Antoine, il y a peu de dialogues, rendant l’ouvrage aussi palpitant qu’un cœur en pleine course. C’est un livre qui se lit vite, qui surprend et secoue. J’ai malgré tout trouvé la fin très blanche pour un livre qui nous dit gris tout le long de ses pages.
Aussi loin que possible est une nouvelle réussite d’Eric Pessan, un roman frais et coup de poings, parlant de sujets forts et d’actualité avec une sensibilité délicate. Je le recommande vivement.