L'île de Hekla et Laki. (c) Albin Michel Jeunesse.
Quel joli mot que celui de "bourrasque"! Il claque bien. Tellement mieux que son synonyme "coup de vent violent". Est-il difficile pour les enfants? Peut-être. Mais les enfants aiment apprendre des mots difficiles. Surtout quand ils claquent bien. Hasard des sorties, "bourrasque" apparaît dans trois albums pour les enfants à partir de 5-6 ans, sans limité d'âge, de toute grande qualité. Pour l'un, c'est facile, il est dans le titre. Pour les deux autres, on le trouve dans le texte.
En début d'histoire
"Depuis ce jour, Laki s'attendait à ce que la prochaine bourrasque de vent emporte Hekla." Ni insecte, ni oiseau, Hekla était arrivé un jour chez Laki, en virevoltant comme la samare d'un érable sycomore - plaisir de découvrir des mots choisis. Une allure tempétueuse qui sera désormais celle du vieux solitaire. Si sa vie est à présent sens dessus dessous, il apprend à faire de la place à son visiteur. Et oublie sa vie d'avant.
Protection. (c) Albin Michel Jeunesse.
Les années et les apprentissages passent. Hekla ne grandit guère et Laki se sent de plus en plus vieillir. Il éduque, veille et alerte: "Pas le lac, Hekla." Ni l'hiver quand il est gelé, ni au printemps quand il redevient une étendue d'eau. Hekla respecte la consigne jusqu'au jour où, non, il ne tient plus et rapporte ses découvertes à Laki. Rassuré par les ressources du petit, le géant peut mourir.
Emancipation. (c) Albin Michel Jeunesse.
Dans la deuxième partie de l'album, on va voir Hekla explorer son île, découvrir la parole, éprouver la peur, s'en affranchir grâce à ce que Laki lui a enseigné, s'ouvrir au monde et aux autres. Porté par des illustrations de toute beauté, libres, imaginatives, totalement en harmonie avec les émotions du jeune héros, et un texte précis, juste, allégorique, "Hekla et Laki" raconte merveilleusement un enfant qui grandit sereinement, rassuré par son géant et protégé par ce que Laki lui a transmis. Invité du coup à vivre sa propre vie.
Ouverture au monde. (c) Albin Michel Jeunesse.
Tout à la fin
Les magiciens du titre sont au nombre de trois. On les rencontre dans une maison au toit rouge qui semble abandonnée. Pas tout à fait. Une théière en libère un premier qui a l'apparence d'un éléphant. D'une gravure au mur en surgit un deuxième, sous forme d'oiseau. Tout cela réveille la troisième comparse, une magicienne. Tout de suite, le trio est poursuivi par un impressionnant mâchefer et une redoutable chasseresse. Une traque infernale commence.
Les trois magiciens sont traqués. (c) La Partie.
Lors des diverses péripéties, narrées en brefs chapitres, on va découvrir que les trois magiciens ont des caractères bien trempés et sont résolus à ne pas se laisser attraper par celle qui chevauche un lion mécanique. Le lecteur parcourt du chemin, en ville ou à la montagne. Il parcourt le temps jusqu'à une cité futuriste. Il rencontre diverses personnes, des bonnes et des moins bonnes. Il se découvre, comme les héros, dans ce conte d'aujourd'hui, ouvert par la formule "Il est une fois, encore..." Son chemin initiatique le fait côtoyer métamorphoses, émotions et sentiments, dans des images d'une beauté époustouflante et à l'incroyable foisonnement.
La chasseresse et le mâchefer les assaillent. (c) La Partie.
Récit d'aventures palpitant aux nombreuses références littéraires et graphiques, "Les magiciens" joue de différents registres comme la peur ou l'humour, l'imaginaire ou la magie. Sans jamais perdre ses lecteurs car Blexbolex les connaît et sait comment les réjouir et les enchanter jusqu'à la magistrale finale ouverte.
Quant à la bourrasque, elle est bien présente, mais aux trois quarts de l'album (page 147): "Alors une bourrasque de vent balaie la place déserte avec rage, soulevant un torrent de poussière et de boue."
Un texte qui fait la place belle à l'humour. (c) La Partie.
Le mot le plus visible
"Chers amis lecteurs, je suis heureux que mon récit "La Bourrasque" puisse désormais vous être présenté, en France. Je l'ai écrit il y a trente-huit ans en me rappelant une expérience réellement vécue. Ce texte, inspiré par de beaux souvenirs de la nature, est également imprégné du regard attendri que je porte sur le temps de l'enfance. Mon grand-père et moi-même avons eu à affronter un petit ouragan qui nous a entièrement dépouillés, n'abandonnant qu'un unique brin d'herbe sur notre charrette. Cependant, le goût que nous a laissé cette épreuve ne fut ni celui de la défaite ni celui de la peur. On peut dire que nous avons mené bataille dans ce duel improvisé avec ce grand vent; mon grand-père n'a pas plié, lui tenant tête, et moi en m'agrippant fermement à l'herbe du talus je ne me suis pas laissé emporter. De ce point de vue, nous sommes sortis victorieux de ce face-à-face. Je commence à avoir des lecteurs en France grâce à mes livres traduits en français. Parmi ceux qui liront "La Bourrasque", beaucoup seront des enfants. Cela confère à cette publication un caractère tout particulier pour moi. Je souhaite à mes petits lecteurs le courage de faire face à l'adversité. Le vent passera, et nous serons toujours debout." Le 6 mai 2022, Mo Yan
Sur le chemin du retour. (c) Editions HongFei.
De facture classique, les magnifiques peintures se centrent sur l'humain, sur les deux humains, le narrateur de sept ans et son grand-père en route pour faucher l'herbe d'une prairie sauvage, dans l'immensité de la nature. La luxuriance du vert aux abords de la maison refuge glisse vers une brume grise du début de l'excursion, vite dissipée par un soleil radieux. Une lumière splendide mais silencieuse qui inspire à l'aïeul une chanson plutôt guerrière. Arrivé à son but, le duo entreprend le fauchage de l'herbe, déjeune, fait la sieste.
Mais le temps a tourné. Un gris menaçant a envahi le ciel. Les deux fermiers doivent charger la charrette et se dépêcher de rentrer. Arriveront-ils à temps? Les éléments vont se déchaîner, terrorisant l'enfant. Ce vent! Jusqu'à la rupture de la corde de la charrette, représentée dans une image tout en hauteur, à découvrir en tournant l'album de 90°. Le vent! Affreux. Qui emporte tout, choses comme humains. Une bourrasque qui a disséminé la fenaison mais a permis au grand-père et à son petit-fils de lutter ensemble contre l'adversité. Un magnifique récit de résistance, de courage et de complicité, remarquablement illustré par l'auteur de l'album "Flamme" (lire ici).
La bourrasque emporte tout. (c) Editions HongFei.