Publié aux éditions Calmann Lévy, 2023, 440 pages. Lundi dernier, le père de Damien s'est jeté du haut de la baie des veuves, cette falaise d'où les femmes guettaient autrefois le retour des bateaux de pêche. Damien se met donc en route pour régler les funérailles, tentant en vain d'éprouver de la tristesse. Durant l'été 1995, ce père qu'il aurait voulu aimer est devenu un meurtrier, les contraignant sa mère et lui à déménager à l'autre bout de la France car la ville entière maudissait leur nom. Damien n'est jamais revenu. La seule lumière dans ce pèlerinage douloureux est qu'il va revoir Oriane, son amour d'enfance. Mais arrivé dans le quartier des pêcheurs désormais à l'abandon, Damien découvre dans la parka de son père une photo qui remet tout en question... Et si la vérité sur l'été 1995 était tout autre? Le nouveau Jérôme Loubry est un bon cru et tranche un peu avec ses précédents romans. Dans celui-ci, Damien revient pour enterrer son père et cracher sur sa tombe au passage. Après avoir purgé une peine de prison pour meurtre, il se serait suicidé du haut de la baie des veuves. Damien en veut à ce père qui lui a gâché son adolescence, qui l'a éloigné de son premier amour. Alors qu'il pensait avoir tout réglé avec son passé, Damien s'aperçoit qu'on ne lui a peut-être pas tout dit et que son père n'était peut-être pas l'homme qu'il était. Jérôme Loubry choisit pour cadre une petite ville de pêcheurs au bord de la faillite, agonisante tandis que les boulettes de pétrole viennent s'épanouir sur la plage. Damien est fils de pêcheurs. On découvre un monde dur et sans pitié où les hommes dépendent de l'océan, jamais bien tendre. L'auteur a choisir d'alterner les époques. On découvre ainsi Damien alors qu'il est ado, entouré de ses deux meilleurs amis: Oriane et Gustave. Dans les années 90, il est insouciant. C'est le temps des premières amours, des premières rivalités également. On peut dire que ce roman-ci prend son temps. L'auteur pose avant tout un décor, une ambiance avec des personnages denses et intéressants. Mais il y a un loup bien sûr. L'auteur nous balade de fausse piste en fausse piste. La force du roman réside selon moi dans les non-dits, les secrets de famille inavouables.C'est un livre sur l'histoire d'une relation manquée entre un fils et son père. Un père taiseux, un adolescent rebelle, un manque de tendresse évident: le terreau est là pour faire de cette histoire un drame familial avant tout. Les soupçons se portent sur une multitude de personnages. Alors, oui, j'avais deviné l'identité du coupable mais peu importe. J'ai aimé ce roman parce que l'auteur lui donne une dimension sociale qu'on ne retrouve peut-être pas dans ses autres livres. Ses personnages sont plus riches, plus denses et donnent à réfléchir. Le chant du silence apparaît ainsi davantage comme un roman noir qu'un thriller pur jus mais peu importe, Jérôme Loubry réussit encore brillamment à embarquer son lecteur dans une histoire riche et palpitante.